Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 2 mai 2021

VU DE LA GAUCHE

     Les Impasses de la rectitude politique (Varia, Nota Bene, 2019), de Pierre Mouterde. Le propos considère prioritairement le Québec et valide par ses perspectives la périodisation serrée des écrits critiques après 2017. En regard on aurait de Normand Baillargeon (éd.), Liberté surveillée. Quelques essais sur la parole à l'intérieur et à l'extérieur du cadre académique, Leméac, Montréal, 2019. Le réveil de la conscience de gauche, en vertu de l’affiliation Québec Solidaire bien sûr ; histoire surtout de ne pas laisser la droite conservatrice (Mathieu Bock-Côté et cie) capitaliser sur le rejet du politically correct, avec sa pensée par blocs, les gros concepts (nation, identité, culture, passé, etc.). Parole de militant, sensible à la cursivité de l’essai, la saisie cependant d’un certain nombre d’enjeux. Ce que j’y trouve, moins peut-être une analyse novatrice que la confirmation de mes propres perceptions et considérations sur les événements depuis ces six derniers mois. La rectitude politique comme « forme politique dégradée » (p. 21), outil d’un « consensus politico-social et culturel » (p. 66) allant de l’extrême-gauche au centre droit ; le mariage entre « un néolibéralisme éthique » (p. 39) et le trio individualisme, présentisme et moralisme – la « moraline » de gauche selon l’expression de Nietzsche. Enfin « une entreprise de contrôle et de surveillance » (p. 133) dont la traduction majeure est la censure répétée. Et Mouterde dresse le panorama à partir du milieu de la culture : Mouawad et Cantat, l’affaire Claude Jutra, Kanata de Lepage et Mnouchkine. Lauteur attache le phénomène de rectitude politique, centré sur les symboles et les signes, plutôt que sur les actions émancipatrices, à la « posture culturelle postmoderne » (p. 108). En phase avec la tradition marxiste, de Gramsci à Jameson : le consentement au pouvoir culturel capable de perpétuer une hégémonie idéologique. Ellipse considérable toutefois autour de ce qui relie cette posture culturelle dite postmoderne aux mutations épistémologiques-politiques-institutionnelles des Cultural Studies, qui de manière étonnante restent aux marges de l’argumentaire. L’intérêt cependant de la démarche réside dans « le point de vue de l’émancipation » (p. 154) s’il est vrai que la rectitude politique trahit la déroute des gauches, l’incapacité à proposer des alternatives et des programmes collectifs – le devenir d’une société commune au lieu d’une segmentation infinie des sujets en phase avec les exigences du capitalisme néolibéral avancé. Au reste, la rectitude politique et sa nouvelle composante idéologique, le wokisme qui est bien davantage porté par les progressistes blancs que par les minorités – par  toutes celles et tous ceux qui ont le luxe de faire dans la contestation, celles et ceux qui parlent très souvent au nom de la justice sociale qu’ils incarneraient, celles et ceux qui parlent à la place des « opprimés », tout ceci constitue une variante du conservatisme social et politique. À défaut d’utopie, c’est la bonne conscience progressiste de notre temps.