Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 6 mai 2021

ANTIRACISME

      Oui, il est possible d’en faire un objet puisque l’antiracisme s’est désormais constitué en « domaine de recherche » (Wierviorka, p. 60), avec les mêmes tensions et contradictions – l’activist scholarship – « la fusion fréquente de l’analyse et de l’action, de la recherche et de l’engagement » (ibid., p. 44), observée par le rapport Quirion ici au Québec également. Résistance personnelle considérable à ce terme dont la morphologie m’est toujours apparue moins critique que militante. Un emploi qui déconceptualise et qui déproblématise. Adolescent, au milieu des années 80, à l’époque des montées conjointes de SOS racisme (« Touche pas à mon pote ») et du Front national, je le tenais déjà en soupçon, comme un effet de mode (« il fallait suivre »). Et qui pourrait dire le contraire ? Il appartient à la bonne conscience progressiste du temps. On le trouve par exemple sur le site du groupe Nota Bene, éditeur d’extrême-gauche par ailleurs de très grande qualité, à l’intérieur d’une longue litanie woke, contrition obligée au moyen de l’écriture inclusive sur la déontologie de la lecture, digne des logiciels de rééducation imposés aux universités, aux médias, au milieu culturel : « Résolument féministe, antiraciste, intersectionnel, le Groupe Nota bene [Alias / Le lézard amoureux / Nota bene / Triptyque / Varia] accueille les projets d’auteur·trice·s issu·e·s de tous les milieux. Afin d’atténuer l’effet de nos propres biais – conscients ou inconscients – favorisant la publication de livres écrits par des personnes issues de groupes surreprésentés sur la scène littéraire québécoise, nous invitons tout spécialement les auteur·trice·s métis·se·s, inuit·e·s, des Premières nations, les personnes racisées ou non blanches, les personnes s’identifiant à l’une ou l’autre des communautés du spectre LGBTQ2S+, ainsi que les personnes vivant en situation de handicap, à nous soumettre leurs manuscrits, qui seront considérés avec attention et respect. » Tout cela, j’y reviendrai, ressortit à ce que j’appelle l’utopie de la science juste. Victor Cousin débarque en Amérique. Au-delà de la mode et de l’idéologie, la résistance s’explique par ce phénomène très américain du market for ideas, plus exactement du marketing de l’antiracisme : « DiAngelo’s fee typically runs between $10,000 and $15,000, a city official in Everett, Washington, where DiAngelo keynoted a conference in April, told The Daily Caller News Foundation » ($12K a Day – The Daily Signal. 30 juillet 2019). Sans compter lhôtel et le restaurant, s’il vous plaît (à prévoir en plus dans votre budget si vous l’invitez). Au reste, il y a des concurrents féroces comme pour tout marché qui se respecte : Ibram X. Kendi et ses poses narcissico-commerciales (https://www.ibramxkendi.com) qui récrit à lui seul lhistoire des États-Unis dAmérique, citoyens. Tout cela est très juteux, nest-ce pas ?