Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 10 mai 2021

THE BIG SHIFT

    De l’artiste-gestionnaire et du « management du symbolique » (Isabelle Barbéris) au chercheur-gestionnaire et au management du vrai (ANR, CRSH, etc. ), il y a très certainement homologie. Et un shift : le paradigme culturel de la pratique, de la mise en scène et du discours politique soustrait probablement à la culture son pouvoir critique. Le résultat : une culturalisation du politique (qui n’en devient que plus bien-pensante et morale), une politisation de la culture (qui s’en trouve assujettie et réifiée). Ce culturalisme qu’on perçoit à l’œuvre dans les idéologies diversitaires et les bureaucrates de l’équité, c’est la technique idéale pour mettre en oubli les problèmes et enjeux socio-économiques. Ainsi s’explique l’heureux mariage avec l’identity politics : entre l’identité du wokisme et la liberté du libéralisme, s’établit l’occultation de l’égalité, au fondement des pensées de gauche. L’identitaire a cette fonction idéologique – au sens résolument marxiste – de dissimuler les disparités socio-économiques. Si la culture devient l’outil de la gouvernementalité contemporaine, d’un côté elle sert de caution éthico-sociale aux politiques conservatrices qui peuvent dormir sur leurs deux oreilles, de l’autre elle siphonne allègrement les camps progressistes, qui, en acceptant le big shift décolonialiste-racialiste-identitaire contribuent en vérité à l’expansion des doctrines et des pratiques managériales que par ailleurs elles prétendent récuser. Au mieux, et très logiquement, les gauches se divisent sur le sujet. Entre gauche classique et gauche woke. Le débat tendu qui passe à l’interne de Québec Solidaire en est probablement aussi le symptôme : À propos de la chasse aux sorcières menée contre les woke (Pierre Mouterde). D’un côté, la tendance héritière du marxisme, encore attachée au modèle de la lutte et de l’explication socioéconomique (le socle matérialiste), de l’autre, la tendance culturaliste qui décolonise et racialise mais déshistoricise à proportion les problèmes sociaux. Or celle-ci demeurera d’autant plus minoritaire que ses principes en sont promus au rang d’une idéologie d’État par le pouvoir fédéral et ses bureaucraties de l’équité. Dernier point : la déshistoricisation sur laquelle s’appuie un tel paradigme va de pair avec la surenchère du sensible, la politique de l’émotion, comme discours unilatéral envers les minorités et en faveur de l’inclusion.