Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 31 août 2019

RÉSISTANCE

Cette autre réflexion qui vient au long du travail, l’intérêt durablement porté – même si les questionnements et les objets s’en sont progressivement éloignés depuis plusieurs années – à la littérature française d’opposition sous le second Empire. Sans se commettre dans un comparatisme absurde, à coups d’anachronismes inévitables, il y a ce terrain commun en dernier lieu pour les mécanismes de contournement et de détournement, les phénomènes de résistance, ou ce que Michel de Certeau a envisagé sous le terme de tactiques – plus d’un élément en tous cas à adresser à notre présent. À terme, ce travail ressortit probablement à une politique de la lecture – et plus.

lundi 26 août 2019

LUNETTE

Aussi, ce qu’on tient pour une évidence, qui fait écran et peut-être même illusion, est la lunette autobiographique, par laquelle on résout chacun des aspects du film ; certes, rien de plus ancien que cet amalgame homme-œuvre, mais à ce degré de caricature, qui vient fausser toute lecture du film. Misère du spectateur si c'est là son plaisir.

COOPÉRATION

Vu en salle il y a deux jours The Death and Life of J. F. Donovan, dont la naissance semble avoir été chaotique en regard des péripéties du montage, de la production et de la distribution, occasion idéale en tous cas d’en faire le procès à l’auteur, puisque le film a été entouré ou précédé de gloses et de jugements divers avant même que le public large ne découvre la matière, de ce bord-ci de la terre, du moins. En sa banalité même, le titre étrange d’abord, qui déroute par inversion des termes le programme biographique centré sur le personnage éponyme, et c’est bien par la fin que le spectateur doit commencer ; le montage et les coupes, et la conduite du récit, ne serait-ce qu’à travers les trois séquences initiales, particulièrement complexes, dans l’espacement chronologique, les discontinuités, les aller-retours – les rétrospections, les parallèles et les superpositions qui suivent ; la double voix de l’entretien, tendu et conflictuel au départ, autour du livre et de la relation épistolaire entre la journaliste et Rupert Turner – astuce de l’échange qui prend à parti l’opinion et le public lui-même, doublant la mise en abyme de l’univers du spectacle, de la télévision voire du cinéma ; la gémellité des personnages (les deux mères, les deux fils, l’amant et le frère, etc.) ; et toujours la beauté photographique des plans et des visages (qui n’exclut pas certains clichés, la scène d’amour entre les deux amants étant aussi pudibonde que convenue), les couleurs, continuité d’autant mieux perceptible avec Mommy et Juste la fin du monde. Le plus intéressant est encore dans ce qui échappe, la réalité d’un film à ellipses, un film à trous (comme le personnage central dont la vie reste largement ignorée, sa maladie, etc.). Autant de failles qui exigent en retour la coopération du spectateur, et débordent le fantasme qui laisserait croire que l’œuvre véritable se trouve ailleurs – dans les quatre heures de bande réduites et récrites par le réalisateur par exemple. On est loin en tous cas, si l’on se prend à faire cet effort patient de voir un peu, de cette masse d’avis dont le sommet tient dans ces mots d’un folliculaire francophone : « […] pour le meilleur et pour le pire, The Death and Life of John F. Donovan… est du Dolan » - tautologie de l’effet de reconnaissance, celle d’une manière que le responsable de la brève se garde évidemment de qualifier ou de caractériser.

mardi 20 août 2019

L'ARRIÈRE-PENSÉE

La conclusion dont je n’avais pas souvenir de Tribulat Bonhomet, en digne héritier de la lignée Prudhomme-Homais, dialogue avec la Voix de Dieu, tant de fois répudié : « – Que croyez-vous être ? – L’arrière-pensée moderne. » (Œuvres complètes, t. II, p. 226). Avec l’ambiguïté – masquée/démasquée, ou double lecture du mot composé par l’italique sur « arrière » ; on en déduirait cependant (ou aisément) qu’il y a encore, et peut-être plus que jamais, plein de Bonhomet parmi nous.

dimanche 18 août 2019

OBSESSION

L’acharnement presque étrange sinon irréfléchi de ce « critique », dans ce qu’il pense être pourtant le jugement le plus décapant et surtout le plus juste, à dénoncer et à dénigrer le retour obsédant des mêmes obsessions chez un même jeune auteur – et c’est un lieu tellement commun, on en lit des tartines dans la presse, on les entend sur le mode logorrhéique, déclinaison satisfaite à la radio ou autres moyens de diffusion. Comme si une œuvre – digne de ce nom – était autre chose qu’une longue variation recommencée autour des mêmes motifs, des mêmes questions – sans cesse repris et décentrés. Ce qui ramène à ce mot célèbre, et non moins lucide de Péguy, qui n’a jamais prétendu faire qu’une seule et unique œuvre, Jeanne d’Arc, sous l’espèce de quatorze ou quinze mystères, cette page de Clio à propos des Nymphéas de Monet : « On vous parlait hier aux Cahiers de ce très grand peintre moderne et contemporain qui avait fait vingt-sept fois ou trente-cinq fois ses célèbres Nénuphars ; ou Nymphéas. […] Comment lui en faire un grief, quand au contraire les plus grands ont fait ainsi, — et n’ont peut-être été grands et génies que pour cela. — […] Tous nous refaisons nos célèbres Nénuphars. Tous nous petits. Mais les plus grands génies du monde n’ont pas procédé autrement. […] Les uns de les peindre ; et les autres de les chanter ; de les écrire ; de les conter. C’est à se demander si ce n’est point la marche propre du génie, si tel n’est point l’ordre du génie, sa technique et sa destination : de donner une fois pour toutes, autant que possible pour éternellement, une certaine résonance temporelle. […] Lesquels de ces vingt-sept et de ces trente-cinq nénuphars ont été peints le mieux ? Le mouvement logique serait de dire : le dernier, parce qu’il savait (le) plus. Et moi je dis : au contraire, au fond, le premier, parce qu’il savait (le) moins. » (Œuvres en prose complètes, t. III, Gallimard-Pléiade, p. 1026-1028).

jeudi 15 août 2019

CLASSEMENT

Dans la bibliothèque critique, concernant le champ des politiques de recherche et les politiques éducatives, l’annonce de l’ouvrage de Hugo Harari-Kermadec, Ce que Shanghaï a fait à l’université française. Entretien indicateur : https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/08/15/le-classement-de-shanghai-n-est-pas-fait-pour-mesurer-la-qualite-des-universites-francaises_5499548_4401467.html.

mercredi 14 août 2019

RESSEMBLANCE

Peut-être un point de départ théorique – issu d’un autre contexte pourtant, et selon un argumentaire convenu sur Shakespeare – serait les pages sur Hamlet dans Chez les passants : à propos de la relation maître-élève, de l’attitude du génie qui prend son bien « où bon lui semble », la manière dont sont déjouées et l’identité et la ressemblance : « Hamlet n’est pas plus de Shakespeare que Faust n’est de Goethe, ni don Juan de Molière. Aucun des principaux drames de Shakespeare n’est de lui, en tant que drame, comme nous le savons, maintenant. Il allait jusqu’à se conformer aux moindres détails d’une chronique, ou de l’œuvre dramatique précédente ; il prenait les phrases mêmes, les épisodes, l’action absolue, jetait dans tout cela quelques paroles, dédaigneusement et cela suffisait pour que l’œuvre devînt telle que, tout en restant presque identique, en apparence, à l’œuvre étrangère et primitive, elle était transformée, en réalité, jusqu’à ne plus présenter de rapport appréciable avec l’antécédente. » (Œuvres complètes, t. II, p. 427)

ENCORE

Ou pour clarifier pleinement. Je veux dire : c’est un préalable– méthodologiquement, l’approche elle-même est à mettre en discussion – pour commencer. Cest une condition à la lecture.

ATTRIBUTION

Hier, renoué avec Villiers et son Tableau de Paris sous la Commune, et tout… le restant de l’œuvre. En même temps qu’elle est incontournable – et elle occupe depuis les années cinquante les éditeurs qui ont bien voulu se pencher sur cet infime détail de l’histoire littéraire – la question est d’emblée détournée par la logique même de l’attribution. On se retrouve en terrain miné, celui du vrai et du faux, de l’authentique et de l’apocryphe, de l’autographe et de l’allographe. Le processus de reconnaissance ressortit moins au geste de connaître cette œuvre de quelques pages que de vérifier et d’identifier sur la base du connu – une typologie de critères biographiques, philologiques (les preuves documentaires, la cohérence des datations, les sources épistolaires entre autres), idéologiques (limpossible et paradoxale conciliation entre le monarchisme et le communalisme révolutionnaire) jusqu’au morcellement des traits et des tours de l’écriture (la réduction au « style »). On se piège dans l’alternative entre l’individu Villiers et l’individu œuvre. Et au fond : lire n’est possible au double point de vue poétique et politique de ce texte qu’à la condition de sortir précisément de cette démarche par attribution.

dimanche 11 août 2019

ANTIENNE

Dès lors, chacun y va de son avis et de ses anecdotes. Celle-ci d’une amie qui sert de cicérone au milieu des terres humides du Cap Breton. Le souvenir du roman russe, étudié il y a longtemps à l’occasion d’un programme universitaire, véritable terreur de la classe, qui ne cesse de se plaindre de la longueur inconsidérée (et pourtant bien relative) du texte, selon l’antienne qui sert aussi de plaisanterie entre les impétrants : « What crime did I commit to deserve such a punishment? »…

DOSTOÏVESKI ENSABLÉ

Ce que réserve en surprises la littérature russe, précisément. Ne jamais laisser traîner sur un bord de plage improbable, perdu à la pointe de la Nouvelle Écosse, un exemplaire jaune dépareillé de Crime et Châtiment, courageusement tenté pour la troisième ou quatrième fois en dépit des détours narratifs et des longs monologues de Raskolnikov, car l’on risque cette apostrophe louche d’un voisin, que l’on croyait indifférent, allongé sur le sable à quelques mètres, uniquement préoccupé par son bronzage  : « J’ai vu que vous lisiez Crime et Châtiment. Moi-même…, etc. » Et c’est la rencontre inévitable d’habitus cultivés qui entament une conversation hautement philosophique sous le soleil de juillet.

lundi 5 août 2019

MESCHONNIC VU DE RUSSIE


Colloque international de Moscou, Henri Meschonnic et la modernité, quel héritage intellectuel ?, organisé par Youlia Sioli-Maritichik, 26-27 septembre 2019.