Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 6 mai 2021

LA NOUVELLE RECHERCHE (PARAÎT-IL)

    Beauté des lectures. Passion de comprendre. Le rapport Wierviorka (Racisme, antisémitisme, antiracisme. Apologie pour la recherche, La Boîte de Pandore, 2021)  arrivé ici au-dessus des eaux. Très médiocre. Fenêtre étroite par les sciences sociales, qui n’ont guère trouvé grâce aux yeux du pouvoir au cours de leur histoire. Elles sont trop souvent dérangeantes. Aucune science, aucune discipline n’est là pour plaire, au demeurant. Cela ne donne aucune idée cependant de ce qui se passe dans le paysage global de l’université française, des institutions d’enseignement et de recherche. Aucune vision par unités, facultés, organismes. Au terme du paradigme qui se dégage autour de la « nouvelle recherche » (p. 31), et de la proportion à laquelle se trouve réduite la tendance racialiste-indigéniste-postcolonialiste, on se demande bien où est donc le problème. Certes pas dans l’islamo-gauchisme polémiquement postulé par la ministre ; mais les pratiques de dénonciation, de répression, de court-circuit de la délibération collective et scientifique n’en demeurent pas moins inexpliquées dans leur subsistances et récurrences même. Si ce n’est cet indicateur : « la racialisation de la recherche » (p. 37). À ce niveau on trouve un débat analogue en terre nord-américaine. Notamment à travers les statistiques ethniques et la « race » rangée comme catégorie sociodémographique. On aurait attendu une articulation de fond entre « race(s) », identité(s) et mondialisation(s). Car ce discours en est inséparable comme le sont les idéologies décolonialistes. La nécessité du comparatisme, et notamment la singularité du modèle états-unien (les lois Crow, la ségrégation, l’organisation de la société sur la base des races, etc.), et le rappel des « emprunts sommaires » (p. 72) sont bienvenus. Tropisme culturel-intellectuel très français. Les emprunts marquent les difficultés à penser les singularités de la société française. Appel à des modèles d’intelligibilité – qu’il faut en fait inventer. Critique souvent molle de certaines théories, à commencer par Kimberlé Crenshaw et les Critical Race Theory autour de l’intersectionnalité – ce concept du pauvre. À propos des études postcoloniales, la plainte éternelle du « mode jargonnant » – qui touche à l’écriture des pensées (Bhabha est souvent ciblé par ce genre de reproche) – et surtout du manque d’« ancrage concret » et de « travail empirique » (p. 70). Contraste assuré avec le positivisme des sciences sociales, la relation aux faits et aux documents. En retour, ce déficit d’empiricité expose les études postcoloniales à nombre d’économies méthodologiques, que ne commettent pas les disciplines traditionnelles, et à un discours qui se mue progressivement ou rapidement en idéologie. Le ought to au lieu du is : la conversion au dogmatisme. L’autre point souligné est que ce sont des « pensées » et des « orientations » nées dans les pays du Sud, visant à « décoloniser les savoirs ». Ce qui laisse pendantes nombre de questions : la migration des concepts, les diasporas intellectuelles, des situations géopoétiques et géopolitiques variées – il n’est que de penser presque au même moment à Saïd d’un côté, de l’autre aux Subaltern Studies inséparables de l’Inde. Sans parler des carrières au Nord et spécialement aux États-Unis, souvent glorieuses et lucratives : Columbia, Cornell, etc.