Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 2 mai 2021

DÉCOLONISER L'ESPRIT

      Autre lieu commun du débat comme les x ou y « systémiques » énumérés et dénoncés ad libitum : la décolonisation des savoirs, des arts, des musées, des bibliothèques, cet ancien mot d’ordre des Culture Wars qui s’esquisse au moins au cours des années 80 et dont une part majeure revient par ailleurs à l’Amérique latine. L’irritation certaine à voir convoquer des déclarations d’auteurs, notamment français, sur la critique des savoirs. Bourdieu par exemple. Ce faisant, on confond plusieurs niveaux. Et dans le cas du sociologue, pour rappel, son travail commence en anthropologie, et militera souvent pour réduire les divisions institutionnelles entre anthropologie et sociologie. Il débute par l’anthropologie et se tient de manière inséparable des enquêtes sur l’Algérie au moment le plus critique de son histoire. Le décolonisation ressortit en l’occurrence à la critique épistémologique, travaille à objectiver l’ethnocentrisme des connaissances et des catégories en usage. Deuxième aspect : la décolonisation est relayée par la thématique des injustices épistémiques (Miranda Fricker) voire des oppressions épistémiques, etc. Le dernier versant, c’est le programme strictement idéologique, la décolonisation devenue décolonialisme comme prise de pouvoir ; investir l’espace académique, occuper des postes, orienter les recrutements et remodeler les curricula. Mais ce que j’en entends ne ressortit pas uniquement à la réparation ou à la reconnaissance de la diversité des savoirs ; par l’utopie de la cancel culture une attitude plus radicale de purge et d’éradication des corpus occidentaux. À ce stade, la difficulté c’est également la conversion de l’argument en pensée-slogan : l’occasion par excellence de ne pas penser les enjeux qui devraient l’accompagner. La décolonisation devient un processus hyper-politisé, mais elle disparaît comme question critique. Le résultat en est l’accumulation de niaiseries («  décoloniser les mathématiques » ou « décoloniser la lumière », etc.).