Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 25 septembre 2022

CINÉ-TRAGÉDIE

    Athena de Romain Gavras (2022) : le mécanisme de la tragédie classique, la mort inaugurale d’Idir, l’enfant et le petit frère (et son ressort stéréotypé alliant la victime et l’innocence) ; l’enchaînement absurde et ses multiples péripéties fondées sur le principe de l’accident qui conduisent au dénouement fatal, une sorte de piège qui se referme progressivement sur chacun des personnages, processus que double la dynamique de la vengeance ; l’unité de lieu autour de la cité et la cohérence des différents plans-séquences ; l’unité de temps et le resserré chronologique, marqué par le déclenchement de l’émeute, l’évacuation des familles, et l’assaut des CRS puis du RAID. Dans ce long-métrage qui ne laisse à aucun moment respirer le spectateur, la dominante est cependant à une esthétisation continuelle de la violence – celle des émeutiers et ce qui s’y rapporte : les antagonismes sociaux et raciaux ; la répression d’État et la brutalité policière, sur un fond qui noue autour du malentendu la proposition artistique à la dimension politique, notoirement l’affrontement entre les cités (entre pauvreté, religion, terrorisme et dépossession culturelle) et la république. Sans parler des raccourcis simplistes dans le traitement de ces anti-héros. Entre le drame social et les effets de vidéo-clip.

vendredi 23 septembre 2022

SIGNAUX CONVERGENTS

      À l’occasion des élections provinciales, je tombe en furetant sur le Cahier Projet National du Parti Québécois (avril 2022). Un point en particulier retient mon attention, la section « Protéger la liberté d’expression au Québec » (p. 9-10). Se trouvent ciblées notamment les menaces potentielles exercées « par des groupes qui cherchent non plus à s’opposer et à débattre dans le respect, ce qui est nécessaire dans une démocratie, mais tout simplement à censurer ou à annuler une idée divergente de la leur. » Il est question de « dérive sociétale » et de ses conséquences sur la démocratie, et du « virage idéologique du Canada » sans que les thématiques décolonialistes ou autres soient nommées. Plus loin, il est proposé de « lutter contre la culture de l’annulation, notamment en privilégiant la contextualisation » (en sous-texte : Vallières et Nègres blancs d’Amérique, évidemment). Les exemples invoqués sont circonstanciels, issus des milieux scolaires et universitaires et, à cette date, la loi 32 n’a pas encore été adoptée. Mais le Cahier Projet National précise que le parti aspire à « mettre en œuvre une loi-cadre protégeant la liberté d’expression », notamment en obligeant « les cégeps, les universités et les médias publics à se doter d’une politique en matière de liberté d’expression ». Ce qui semble relever d’un surencadrement légal, la charte québécoise protégeant déjà la liberté d’expression (art. III). Un élément est passé sous silence, qui exige par contre de légiférer : ce sont les médias sociaux avec les dérives connues (censure, diffamation, appels à la haine, etc.) Un dernier élément est la volonté de « promouvoir la diversité intellectuelle du corps professoral des établissements d’enseignement supérieur. » Voir mes posts précédents, Haidt et Lukianoff et notre Mémoire (p. 13) avec IA. On se demande comment ; cette diversité est aux mains des universités et des professeurs, et doit le rester, la question ressortit typiquement au principe d’autonomie dans lequel on ne saurait faire ingérence. L’autre versant, celui de la diversité socio-économique, ethnique et culturelle du public étudiant et du professorat est en l’état beaucoup plus préoccupant, on est encore loin du compte, et le document ne dit mot à ce sujet. L’essentiel est encore ailleurs. Entre ce document du mois d’avril, le colloque du Bloc Québécois « Liberté sous conditions » (4 juin 2022), organisé par le député fédéral Martin Champoux, et l’annonce par les deux premiers ministres F. Legault et J. Castex de la chaire France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression dans le cadre du FRQSC (Programme Libex), les signaux sont convergents. De la gauche à la droite, ils viennent de familles politiques relativement proches – réactivité francophone aussi.

VALEUR-REFUGE

       Pour être tout à fait clair avec l’idée, et lever toute espèce de malentendu quant au constat émis d’une homogénéisation idéologique des campus (car l’argument a pu être utilisé comme ciblage polémique chez les conservateurs contre ces lieux et milieux « liberal », et il ne me semble pas que ce soit lobjectif du rapport cité), il s’agit à mes yeux d’autre chose : le risque pour l’université de devenir la valeur-refuge des forces du progrès ou des gauches, loin des réalités citoyennes du forum et des couleurs politiques ordinaires de la cité.

mardi 20 septembre 2022

ACADEMIC FREEDOM ACT

     L’autre élément relevé est énoncé dans la communication du MLI : « Following other jurisdictions’ leads, Dummitt and Patterson advocate for the creation of an Academic Freedom Act, which would tie provincial funding for post-secondary institutions to their adherence to fundamental principles under the Act that protect academic freedom. They also recommend measures to enshrine institutional neutrality on partisan or controversial issues, the elimination political loyalty tests, and the promotion of a culture of academic freedom at universities. » À croire que le Québec a ouvert la voie et que la loi 32 inspire la réflexion.

HOMOGÉNÉITÉ

    Du côté des think tanks, plutôt conservateurs, cet écho du Rapport Dummitt-Patterson pour le MLI (Macdonald-Laurier Institute) « The viewpoint diversity crisis at Canadian universities: Political homogeneity, self-censorship, and threats to academic freedom » (septembre 2022). Toujours très méfiant devant ce genre d’entreprise. Je relève cependant deux points dont le constat d’un processus d’homogénéisation idéologique des universités, majoritairement progressistes, mais aussi moins diversifiées, ce qui tend à moins stimuler la culture de la contradiction et de l’opposition et peut favoriser moyennant certains contextes ou selon certaines conditions les postures dogmatiques voire les pratiques dites de « cancellation ». C’est un point qu’avaient déjà soulevé Haidt et Lukianoff, deux auteurs à la sensibilité pourtant différente, dans The Coddling of the American Mind, pour ce qui regarde les campus états-uniens spécialement. Il nous avait arrêté et nous l’avions nous-mêmes reporté dans le mémoire soumis à la commission Cloutier en juin 2021 pour vérification dans le cas du Québec. C’est une question intéressante qui suppose de prendre en compte la sociologie du public étudiant, et qui s’articule également aux rapports à la fois topiques et politiques entre les campus – entendus comme lieux et modes de vie – et la cité (notamment les coupures éventuelles avec la vie ordinaire des concitoyens).

LE PARTAGE OBJECTIF

     Dans le champ polémologique, les tirs entre gauche dite radicale et droites conservatrice et/ou identitaire, et les mécanismes de polarisation du débat public qui en découlent, ne doivent pas dissimuler ce point qui leur est pourtant commun : entre « wokes » et « néocons », il y a la critique de la raison et des Lumières. Sur cette base s’établit un partage « objectif » qui se décline selon des présupposés et des axiologies assurément opposés, mais qui expliquent peut-être que des uns aux autres les acteurs désignés occupent autant le terrain de la discussion démocratique. En 20 ans, la mue est en tous cas spectaculaire, en même temps que la réalité devenue mouvante et complexe au gré des nouvelles découpes politiques.

lundi 19 septembre 2022

BIBLIO MATINALE

        Le surabondant Pierre-André Taguieff, Le grand remplacement ou la politique du mythe, Paris, Éditions de l’Observatoire, 2022, et Jean-François Braunstein, La religion woke, Paris, Grasset, 2022. La 4e de couverture est un modèle de nuance... : « Une vague de folie et d’intolérance submerge le monde occidental. Venue des universités américaines, la religion woke, la religion des « éveillés », emporte tout sur son passage : universités, écoles et lycées, entreprises, médias et culture. Au nom de la lutte contre les discriminations, elle enseigne des vérités pour le moins inédites. La « théorie du genre » professe que sexe et corps n’existent pas et que seule compte la conscience. La    « théorie critique de la race » affirme que tous les Blancs sont racistes mais qu’aucun «  racisé  » ne l’est. L’« épistémologie du point de vue  » soutient que tout savoir est «  situé  » et qu’il n’y a pas de science objective, même pas les sciences dures. Le but des wokes : « déconstruire » tout l’héritage culturel et scientifique d’un Occident accusé d’être « systémiquement » sexiste, raciste et colonialiste. Ces croyances sont redoutables pour nos sociétés dirigées par des élites issues des universités et vivant dans un monde virtuel. L’enthousiasme qui anime les wokes évoque bien plus les « réveils » religieux protestants américains que la philosophie française des années 70. C’est la première fois dans l’histoire qu’une religion prend naissance dans les universités. Et bon nombre d’universitaires, séduits par l’absurdité de ces croyances, récusent raison et tolérance qui étaient au cœur de leur métier et des idéaux des Lumières. Tout est réuni pour que se mette en place une dictature au nom du "bien" et de la « justice sociale ». Il faudra du courage pour dire non à ce monde orwellien qui nous est promis. Comme dans La philosophie devenue folle, Braunstein s’appuie sur des textes, des thèses, des conférences, des essais, qu’il cite et explicite abondamment, afin de dénoncer cette religion nouvelle et destructrice pour la liberté. Un essai choc et salutaire. » Entre Bock-Côté et Gad Saad avec ses Nouveaux virus de la pensée. Ce genre de titre racoleur pullule aux États-Unis, voir aussi John McWhorter. Combien l’analogie sert les ressorts de la polémique. C’est souvent le marqueur discursif ce qui est pensé par défaut, faute de cerner la singularité véritable de son objet. Difficile de démêler entre le projet de l’auteur et la stratégie publicitaire de l’éditeur. À voir donc.

dimanche 18 septembre 2022

LE RETOUR DES BLANCS

      La politisation des races se lit également dans les linéaments de la réaction, l’éveil populiste de la droite canadienne, du convoi de la liberté à l’élection de Pierre Poilievre à la tête du parti conservateur, sa récente attaque contre le wokisme (notion strictement polémique, dénuée de définition bien sûr), vantant à ce sujet la capacité de résistance du Québec, les signaux du backlash à venir. Encore plus près, de Toronto à Montréal, un White McGill – un projet de syndicat d’étudiants blancs… et autres civilisationnistes pro-Occident (CTVNews, 26.11.2020). Comme la White Identity Politics sous Obama et contemporaine de la montée en puissance du courant actuel de justice sociale. En 2016, au moment de l’élection de Trump, Une saison en enfer me revenait en mémoire : « Les Blancs débarquent… » Ils sont bien de retour. C’est aussi cela la politisation des identités. Cette époque me pue.

DU PSYCHOLOGIQUE

     En repensant à ce discours du temps, qui s’énonce au nom des opprimés, « trauma », « micro-agressions », « safe spaces », etc., il ne s’agit pas uniquement d’un amalgame entre la salle de classe et le cabinet du thérapeute. Cette rhétorique des émotions tend à soustraire le champ des rapports sociaux et culturels entre les sujets à leur historicité. Elle les assimile au psychologique comme remède aux tensions potentielles du socioculturel. Pour finir, elle masque une forme nouvelle de conformisme et de conservatisme.

vendredi 16 septembre 2022

LUCRE

    Ce qui n’empêche pas par ailleurs les petitesses et les conformismes du milieu littéraire. On entend aussi quelques cabotins à la télévision ou à la radio, ceux qui paradent sur les réseaux sociaux en maniant avec verve les buzzwords du jour, « racisme », « offense », « sensibilité ». De vrais marchands de tapis, qui capitalisent à merveille sur l’idéologie du temps. Il faut bien vendre ses livres, une activité comme bien d’autres. L’époque l’a rendue lucrative.

SON MOT À DIRE

    Elle a peut-être encore son mot à dire. Et elle ne cesse de dire. Elle a encore à nous apprendre. Même si elle n’intéresse qu’une vague minorité, de longue date defunded, elle ; on n’a pas attendu pour la dépouiller, tant cette activité semble socialement inutile et peu rentable. Ce que démentent les événements contemporains. À tout le moins la littérature conserve-t-elle encore cette force de représenter de manière presque paradigmatique les enjeux qui s’attachent à la liberté d’expression. C’est par elle qu’infuse enfin le noeud culturel-politique contemporain. Increvable, la vieille. Bavarde, en plus. Là où il ne faut pas être.

LE FOSSILE ET LE POINT CRITIQUE

        La littérature, que d’aucuns disent depuis longtemps submergée et déclassée en regard d’autres expressions artistiques (le cinéma en tête) et de la culture numérique ambiante, oppose ces temps-ci de singuliers signaux de résistance. De l’attentat manqué contre Salman Rushdie à Chautauqua (NY) aux guerres des livres dans les bibliothèques américaines sans même rappeler les techniques de boycott ou de censure sur les campus, il semble que la littérature se place tout au contraire au premier plan : le point de tension des essentialismes et des fondamentalismes, des théologico-politiques de gauche et de droite. Le point critique. Pas si morte que cela, la gardienne des antiques humanités, hein ?

HISTORICITÉ D'UNE QUESTION

     Citation par hasard dans la synthèse de Bertrand Van Ruymbeke (Histoire des États-Unis. De 1492 à nos jours, Paris, Tallandier, 2018, p. 161), dans les pages consacrées au second Grand Réveil des années 1830-1840, l’extension des modèles utopiques (Fourier, Owen, Thoreau), l’articulation explicite chez Angelina Grimké entre revendications féministes et oppositions abolitionnistes : « L’examen des droits des esclaves m’a amenée à mieux comprendre les miens » (v. Les Sœurs Grimké. De l’antiesclavagisme aux droits de la femmes, textes réunis par C. Collomb-Bureau, ENS Éditions, 2016) Examen par analogie. Mais intersection des enjeux promise à un long avenir. Inséparable du regard que l’on porte aujourd’hui. Historicité d’une question.

jeudi 15 septembre 2022

THE GREAT EMPIRE

      On voit resurgir par-delà des rites d’institution, les procédures et les protocoles qui entourent la disparition de la Reine – la perception folklorique que l’on peut en avoir lorsqu’on se tient à l’extérieur – certains spectres et vestiges : The Great Empire. Un peu usé et vermoulu. Surtout les questions agitées autour du Commonwealth, les comparatifs (Nouvelle-Zélande, Australie, Canada, etc.), la sujétion à la Couronne, sans parler de l’exception québécoise, dont la population est sinon hostile du moins indifférente à la monarchie (et malgré le respect pour le personnage historique de la Reine), avec son lot d’amertumes depuis la constitution de 82, entre la Nuit des longs couteaux (Kitchen Accord) et le lac Meech. Voir à titre d’exemples, Mathieu Bélisle : Abolir la monarchie (La Presse, 14.09.2022) ou Gérard Bouchard : Loyaux pour combien de temps encore ? (Le Devoir, 17.09.2022).

LE GRAND RÉCIT

   Dans le récit racial qui s’installe, la « race » est ce qui décline le mieux le paradigme de l’identité, plus encore que le « genre ». Elle n’est pas simplement un principe de division de la société comme les « classes ». Elle représente encore l’interprétant de la société. À terme, dans sa version la plus politisée, elle devient un des points d’affrontement des démocraties actuelles – et cela achève d’être pour moi le point de rupture.

mercredi 14 septembre 2022

PAROLE DE CIRCONSTANCE

     Échange positif avec CP sur notre propre livre, « la posture »  je dirais la tenue dans un vocabulaire persien que je chéris davantage – qui consiste à être « au-dessus de la mêlée », ce qui permet de « contraster, de lier et d’enchevêtrer des idées au profit d’une meilleure compréhension » du problème. Il me semble que c’était notre visée (sans être dé-située bien sûr) ; c’est aussi l’impression que me laisse de nouveau la lecture du texte à date. C’est probablement ce qui explique quil demeurera invisible ou inaudible, loin des polarisations et des stratégies polémiques, il ne se prête guère au jeu public. Au mieux, il reste un essai de prise critique – à mon avis, inabouti ou fragmentaire – mais je mesure aussi à ce niveau rétroactivement le risque qu’il y a à écrire dans le présent au lieu du long cours avec le bénéfice d’une tradition durable et vénérable qui vous précède, ce à quoi j’ai toujours été habitué. Et une tradition, cela rassure malgré tout. Ce que je pointe, c’est la difficulté d’être une parole de circonstance (de n’être qu’une parole de circonstance ?) – de travailler à la distance et à la lucidité sur soi et sur les autres, dinfléchir l’idéologique qui vous traverse et vous meut aussi. Une parole qui nous a mis en contact avec le milieu journalistique mais aussi politique au vu des enjeux. Au moins, le texte en garde cette trace expérimentale : chaque section – et c’est ainsi voulu – appellerait de longs développements détaillés et nuancés (par exemple, la critique des savoirs, parmi les pages les plus économiques et déceptives, l’approche décoloniale est traitée comme lieu commun des savoirs et des discours institutionnels des savoirs, dans sa forme ouvertement déconceptualisée, pas comme marqueur-opérateur de constructions théoriques évidemment), mais le livre doit se lire comme une tentative de problématisation – et le coût était de se soustraire du discours social qui dissimulait et continue de dissimuler les enjeux. Il me semble qu’on ne se tient ni dans la panique morale ni dans la rhétorique catastrophiste. Le propos n’est pas non plus assimilable à une logique antiwoke : il est certes critique des versions dogmatiques en cours qui tendent à modeler le débat démocratique, mais le point majeur était de restituer sa valeur philologique et historique woke – awakening, et de démystifier ses implications (en dissociant woke, wokeness, wokism) : le détournement de ce qui constitue originellement un mot de la lutte des communautés afro-américaines et une traduction élitiste et néolibérale de la justice sociale. Pour le reste, en dépit de ses nombreuses lacunes (l’allusion au deuxième Grand Réveil vers 1830-1840, plus social que religieux, croisant premier féminisme et abolitionnisme – cf. les awakes et les chloroformers sous Lincoln dans les années 60 ; les « EDI » comme nouvelles politiques d’État en recherche ; la théorie critique des approches affectives du langage (offenses, etc.) ; les liens entre langage et droit, longtemps esquivés) ce texte est point de départ : autant de chantiers à explorer. Et pour finir, il me semble qu’il ne tranche pas la « dialectique » ouverte entre « liberté universitaire » et « justice sociale ». C’est encore le plus important. Même sil a pu être lu comme « manifeste », ce qui m’a étonné, mais sexplique par la conclusion ; comme on peut le chercher dans les mises au clair de lintroduction, je suppose. Etc. Au reste, cette partie-là du travail ne m’appartient pas vraiment. 

CATASTROPHISME

    Publication de Robert Leroux, sociologue de l’Université d’Ottawa : Les deux universités : postmodernisme, néo-féminisme, wokisme et autres doctrines contre la science (Éditions du Cerf, 2022). « L’Université traverse une crise sans précédent. Elle est violemment attaquée, en ses divers aspects, par des extrémistes de gauche et des militants zélés, notamment issus des mouvements woke et néo-féministes. Mais ces attaques se heurtent à une résistance. Des chercheurs rigoureux s’y opposent, eux qui sont, d’ailleurs, souvent marginalisés dès lors qu’ils défendent une vision traditionnelle du savoir. Ce sont donc deux Universités qui s’affrontent, destinées à se quereller sans espoir de réconciliation. L’Université va-t-elle s’autodétruire ou parviendra-t-elle à survivre à cette nouvelle emprise ? Le moment est en tout cas décisif, pour elle et pour les disciplines que l’on y enseigne. Idéologie contre savoir, tel est l’enjeu. Un enjeu qui concerne la pérennité de l’Université, et que cet ouvrage analyse avec rigueur et lucidité. Un éloge de la raison, nourri aux sources de cette lutte telle qu’elle se déroule sur le continent américain, et qui en précise les défis pour l’Europe et pour la France. » Dans la même veine que certaines de ses contributions sur la question au Journal de Montréal. À mes yeux, c’est la réplique exacte par le catastrophisme de la thèse à gauche de la panique morale. Ceux qui se mettent du côté du progrès et de la vertu ; ceux qui se mettent du côté de la raison et de la science. Pfff. Baudruches.

mardi 13 septembre 2022

QUADRILLAGES ET BRACONNAGES

   Synthèse éclairante de Romain Badouard, Les nouvelles lois du web. Modération et censure (Seuil, coll. « La république des idées », 2020), dont le point de départ est le « paradoxe démocratique », celui d’une libre circulation, mais aussi démultiplication et mises en réseaux de la parole ; celui en retour des « pouvoirs de limitation, de filtrage, de blocage » (p. 11). Une telle dialectique s’énoncerait autrement dans les termes d’un « quadrillage » (Foucault) et d’une prise de parole – les réappropriations, les lectures traversières ou les « braconnages » (De Certeau) du consommateur, scripteur ou lecteur numérique. Importance pour finir de la « privatisation de la censure » et, ce qui lui est corrélé, les antagonismes entre les entreprises de communication et les États qui ont appris à leurs dépens (et continuent d’apprendre) à légiférer ; en regard, le rôle de ce que Badouard appelle la « censure participative » et l’engagement de la société civile dans les processus de régulation de la libre expression.

LES PETITES RUSES DU RÉCIT

     Dans le récit qui est proposé de la crise d’Evergreen en 2017 l’auteur de Panique à l’université considère qu’attribuer les événements aux délires de la gauche radicale paraît à tout le moins « simpliste et réducteur » et « au pire fallacieux et malhonnête » (p. 183). Il rappelle en effet les témoignages de Weinstein devant la Fox qui a maximalement instrumentalisé la crise ; les menaces d’un tueur (la gangrène du communisme, etc.) ; l’évacuation du campus (pendant deux jours) par la police ; les représailles de groupuscules nazis et les ripostes antifas. Le contexte hystérisé est inexplicable, comme le souligne avec pertinence Dupuis-Déri, sans les premiers mois de la présidence de Donald Trump. Mais là encore, la stratégie de narration laisse à désirer. Aucun élément sur les sources pour commencer, des archives vidéos de l’australien Mike Nayna (I. Bret Weinstein, Heather Heying and the Evergreen Equity Council ; II. Teaching to Transgress ; III. The Hunted Individual, 2019) au mémoire de Shaun Cammack, The Evergreen Affair: A Social Justice Society, University of Chicago, 2020. Rien non plus, par-delà les détournements populistes et démagogiques, sur le fait que nombre d’observateurs américains considèrent précisément cette crise comme « atypical ». Culture locale, même si on y retrouve nombre de traits du courant dit woke. L’élément déclencheur aurait été le refus de Weinstein de participer à une journée de sensibilisation sur le racisme. Double raccourci : il sagit du Day of Absence, qui célébrait d’abord l’absence des BIPOCS sur le campus, soulignant ainsi leur importance au sein de la communauté ; or ce que contestait Weinstein, c’était plutôt l’inversion des codes décidée par la nouvelle administration : les Blancs devaient désormais quitter ce jour-là l’université et non les people of color. Pas le principe de sensibilisation en soi. Par ailleurs, comme Weinstein s’en est expliqué à plusieurs reprises, le drame a éclaté non pas tant en raison du Day of Absence que des nouvelles orientations données par le président George Sumner Bridges et son comité EDI, qui mettaient à mal le modèle « liberal » du college. Au bout du compte, Weinstein est seulement « chahuté et traité de raciste » d'après DD alors que des groupes d’étudiants ont patrouillé avec bâtons de base-ball pour le retrouver sur le campus par exemple. Sans parler des menaces et insultes verbales. Chahut : tout un campus ? DD précise enfin qu’après avoir porté plainte contre l’université Weinstein a pu témoigner devant le Congrès. Il aurait obtenu gain de cause en cour avec 500 000 $ US de dédommagement. Autre inexactitude à relever : Bret Weinstein a perçu 250 000 $ et son épouse, elle aussi professeure de biologie, Heather Heying, une somme équivalente. Dautres collègues ont quitté le navire. Un élément présumé dans ce narrative est que Weinstein est du côté du dominant – le mâle-hétérosexuel-blanc. Or au sens étroit Weinstein est d’ascendance juive, et cet argument a été précisément utilisé contre lui. Il lui est notamment reproché de jouer à la victime, pour se défendre du racisme dont il est accusé. Une critique qui est partie des militants juifs eux-mêmes : A Letter to Bret Weinstein from Some Jews Bent on the Destruction of White Supremacy (7 juin 2017). Avec quelques contorsions sophistiques en prime : « However, the fact that Jews have not always been enmeshed in whiteness does not negate the fact that today many Jews in this country benefit from and uphold white supremacy. » De quoi nourrir certains lieux communs de l’antisémitisme de gauche. Curieuse impasse quand même, alors qu’on est immergé dans le paradigme identitaire. Le paragraphe se conclut sur l’après-Evergreen – notoirement les positions publiques prises par Weinstein contre les campagnes de vaccinations au moment de la COVID-19. Ce qui est incontestable, mais dans un contexte où la question pandémique a été hyper-politisée, cette stratégie d’insinuation tend évidemment à assimiler de manière implicite lantivax et lantiwoke, liant cette double attitude aux idéologies de droite. Rusé.

samedi 10 septembre 2022

CULTURE ET UNIVERSALISME

   Échange avec Isabelle Barbéris sur le site et le lancement de « Culture et universalisme » à la suite de la tribune du 22 avril 2022 (Le Monde) avec ses signataires (Charles Berling, Georges Lavaudant, Jean-Louis Martinelli, etc.) : https://cultureuniversalisme.fr/2022/07/17/tribune-du-22-avril-2022-parue-dans-le-monde. Et le titre est presque devenu un gros mot par les temps qui courent. Intéressant surtout d’observer les lignes de démarcations et la distribution des voix et des positions au présent.

lundi 5 septembre 2022

PETITS ARRANGEMENTS

     Le plus déconcertant est probablement la problématique EDI. À mes yeux, c’est le nerf de la guerre. Non seulement parce que c’est ce qui génère sur les campus le plus de perturbations mais parce que c’est le révélateur des petits arrangements avec le réel d’une partie de la gauche (silences, compromis, illusions, etc.), de ceux qui maniant et revendiquant les « savoirs critiques », célèbrent le « genre » et la « race » mais sans être capables de faire une analyse minimaliste de l’état du capital, et de ce fait primordial que le « genre » et la « race » sont désormais parties intégrantes de ces mutations capitalistiques - au nom même de la nouvelle doxa néolibérale-progressiste (voir entre autres lidentity economics). Lévangile de notre temps. Ainsi s’explique peut-être que le pouvoir se joue tellement au centre ces temps-ci, peut même grossir démesurément en déjouant les identitaires de gauche et les identitaires de droite – qui s’affrontent par ailleurs violemment dans l’arène. Les gauches se morcellent, les droites s’étendent. Sinistre tableau.

TEXTE À TROUS

     Panique à l’université est le produit de l’opinion, il participe exactement de ce « dialogue de sourds » (p. 34) que l’auteur craint malgré lui : et pour cause, le livre contribue et renforce amplement la polarisation du débat public par ses lacunes et ses silences. C’est un texte à trous. S’il dit peu de choses sur la loi 32 et la Commission Cloutier, il se contente de commenter rapidement l’affaire Lieutenant-Duval (« Peu importe ce que l’on pense de l’affaire », p. 54), sans analyser dans les cas répertoriés en Amérique du Nord – boycott, censure, désinvitations, deplatforming – le rôle des décideurs et des gestionnaires, plus précisément le lien entre ces pratiques et le clientélisme universitaire inséparable lui-même de la mutation néolibérale des établissements. Le texte abonde en citations de Bock-Côté, Christian Rioux, Ben Shapiro, Alain Finkielkraut, etc. Mais rien sur les sociologues Campbell et Manning ; The Coddling of the American Mind de Haidt et Lukianoff, qui sans ignorer l’héritage marcusien et sa critique de la distribution inégale de la parole, proposent précisément d’autres analyses que la voie idéologique ; Stéphanie Roza et la critique du foucaldisme racial ; Catherine Liu, proche de l’aile Bernie Sanders ; Canto-Sperber ; Olivier Beaud ; Isabelle Barbéris ; Laure Murat – des auteurs aux sensibilités très différentes, allant de l’extrême-gauche au centre, et qui n’ont rien de polémistes néo-con. Les politiques EDI sont mentionnées en bonne part, sans que leur source – celle du pouvoir fédéral – soit identifiée et discutée. Aucun rapport n’est par ailleurs établi entre les EDI et les théories du New Management sur la diversité et l’équité, les formes nouvelles de « capitalisme woke » (Anne de Guigné), dont l’idée est a priori rejetée comme sans fondement. Pas un mot enfin sur ce que cette polémique a cristallisé de l’antagonisme Canada-Québec, et du fait que la culture woke s’enracine historiquement dans l’anthropologie anglo-puritaine. Au reste, la définition du mot est minimale (p. 15), sans corrélation philologique avec The Great Awakening. Dupuis-Déri qualifie à juste titre ses adversaires de droite de bonimenteurs, sans voir qu’il joue à gauche le rôle du "penseur" de charme.

L'AIR DU TEMPS

    Livre consternant de Francis Dupuis-Déri, Panique à l’université (Lux, 2022). À grands renforts de publicité et de coups de communication, on assiste à la fabrique de la doxa. Ce que vous vouliez entendre et qui chante l’air du temps. En 300 p., une thèse unique, la « panique morale » de Stanley Cohen : le phénomène woke et la rectitude politique seraient pour l’essentiel une construction des rhétoriques réactionnaires et des populismes identitaires de droite. Ce qui est très loin d’être faux : cette instrumentalisation est à l’œuvre aux États-Unis, au Québec et en France. Mais c’est l’objet unique du livre : des polémistes dont – à compter certains coups de griffe donnés à gauche (sans que cela conduise à une analyse des thèses en présence), Normand Baillargeon en particulier, la catégorie devient tout à coup extensive et tend même à binariser le paysage idéologique. Progressistes vs réactionnaires. Multiculturalistes vs monoculturalistes… Les woke ne seraient qu’un triste épouvantail (ce que reprend la sémiotique de la couverture, le motif d’un épouvantail y est répété). Les woke représentent en fait un révélateur de l’extension des droites. Ce qui est incontestable et pertinent, mais dissimule d’autant les divisions, concurrences et recompositions à gauche dont la mouvance en cause est précisément l’un des signaux. Ce qui se veut un « exercice de clarification » (p. 62) repose non moins également sur le registre polémique, en vertu d’un ethos humoristique voire ironique – caractéristique d’une posture discursive en surplomb. Cette stratégie fait l’économie d’une argumentation critique et tente de mettre les rieurs et les lecteurs de son côté : c’est l’adhésion à la doxa. S’y ajoute le modèle de la parole professorale : « exercice pédagogique » (p. 34). Les marqueurs de cette ironie ponctuent certains chapitres et les paragraphes au terme des mouvements argumentatifs : « Tels des chiens de garde, ils [les polémistes conservateurs-réactionnaires] ameutent le voisinage : woke ! woke ! woke ! » (p. 32). Ou à propos de Mathieu Bock-Côté, parce qu’il a pris part à une croisière de l’équipe du Figaro, yacht cinq étoiles, cabines allant de 5270 à 17 370 euros : « Je ne sais pas si cette croisière a eu lieu en pleine pandémie de COVID-19, mais juste d’y penser, j’ai le mal de mer. » (p. 296). Au reste, Bock-Côté, de loin l’auteur le plus cité au long de l’ouvrage, est l’une des obsessions du livre. Il tient le rôle d’un métonyme de la pensée conservatrice identitaire et de ses dangereuses déclinaisons. Mais la clausule spirituelle achève également de placer le propos dans le ressenti entre nausée et dégoût. Et ce procédé n’est ni ponctuel ni isolé dans le texte.

LET'S HAVE A HOLISTIC DEI MINDSET

    Les politiques EDI ressortissent explicitement à une utopie : rééduquer l’homme, spécialement l’homme blanc bien entendu. Après les certificats de Cornell, la version Cambridge (Judge Business School). Tout un marché éducatif. Un slogan : « Develop a holistic DEI mindset – and use it to build your strategy », accompagné de tarifs (honnêtes et respectables pour entendre qu’on souffre de biais indéracinables) : un peu moins de 2000 $. En prime : un concentré de la rhétorique managériale actuelle : « The concepts of diversity, equity and inclusion aren't new, but recent shifts in culture have brought them to the forefront and shown how far we still have to go. It’s up to organisations to pick up the baton and continue the progress—not only because Diversity, Equity and Inclusion (DEI) ultimately benefits their bottom line but also because consumers now expect increased levels of social responsibility as the norm. This six-week programme will help you understand the importance of diversity, equity and inclusion in the workplace and gain actionable insights. At the end of the programme, you’ll put the knowledge and tools you’ve acquired to work in a capstone project: creating a DEI strategy for your own organisation. » Continue the progress : à tous points de vue, puisque voilà enfin un capitalisme progressiste, un capitalisme à visage humain, celui qui épouse la cause des travailleurs, et les dote des meilleurs outils pour que – d’eux-mêmes – ils rendent le milieu de travail (workplace) plus juste. Autrefois, c’était la tâche des syndicats… Quant aux recent shifts in culture, c’est l’euphémisme de rigueur pour désigner les mutations de l’idéologie dominante. Sur tous ces marqueurs du discours social (qui ont leurs évangiles sacrés), voir ma « Critique de l’équité : de la sociologie militante à la bureaucratie d’État » (Bulletin d’histoire politique, 30-1, VLB Éditeurs, 2022, p. 133–163).

MÉLO

    Sur écran miniature, dans le décalé du temps, des mois après sa sortie en salle, le long métrage d’Emmanuelle Bercot : De son vivant. Magimel sublime, Deneuve, Cécile de France. Le pari absolu du pathos avec ses risques. Le resserré chronologique de la mort – qui a valu bien des réminiscences. Perception mitigée. D’un côté, l’excès larmoyant jusqu’à l’écœurement. De l’autre, la vision juste : l’insistance sur certains gros plans, la poignée de porte – l’espoir du mourant que quelqu’un vienne. Les séquences de théâtre – mise en abyme de la perte de l’autre, distanciation, confusion ou dédoublement entre le rôle de l’art et la vie elle-même dans sa composante tragique – sensualité éperdue des corps, maladresses d’acteurs, trouver les corps et les mots. Le régime de l’émotion – sa retenue aussi. L’absence d’aspérité, qui use de la mort comme d’une résolution, qui tend surtout à lisser le récit jusqu’à l’irritable (la métaphore à laquelle recourt le médecin : mettre de l’ordre avant de mourir – et dans ce lien au malade, il subsiste quelque chose de religieux) ; à part l’histoire du fils et le rôle de la mère ; le bras tendu, le film est dans la réconciliation, il ré-harmonise ; le milieu soignant aussi, vu positivement mais sans les mesquineries, les usures, les conflits, les merdes, les grisailles, les dominations. En bref : on est dans le parti pris d’un hymne à l’amour. Mais cela ne laisse pas dans l’indifférence. Le « mélo », genre revendiqué par la réalisatrice pour enseigner à vivre.

LIBERTÉ UNIVERSITAIRE ET JUSTICE SOCIALE

    Après une absence de deux mois, il est temps de renouer le fil des lectures. En commençant peut-être par soi-même puisque l’ouvrage est à paraître cette semaine : Isabelle Arseneau et Arnaud Bernadet, Liberté universitaire et justice sociale, Montréal, Éditions Liber, 2022, 88 p.




Tentatives de censure. Conférences annulées. Accusations de racisme. Menaces contre des enseignants. Depuis plus d’une dizaine d’années, les universités semblent aux prises avec la cancel culture et un nouveau courant de justice sociale (autrement appelé «woke», terme galvaudé s’il en est). Le Québec n’échappe pas à cette poussée morale qu’il associait jusque-là aux sociétés voisines. À la suite de «l’affaire Lieutenant-Duval» qui a éclaté à l’université d’Ottawa et d’autres incidents révélés dans plusieurs institutions de la province, le gouvernement a adopté le 3 juin 2022 une loi destinée à reconnaître et protéger la liberté universitaire. Ainsi, il est permis de dire que c’est entre ces deux termes, liberté universitaire et justice sociale, que s’est fixé et par là aussi simplifié le débat qui anime aujourd’hui le monde de l’enseignement et de la recherche. Peut-on subordonner la liberté universitaire à la justice sociale? Les opposer? Ou favoriser l’une au détriment de l’autre? Autant de questions fondées sur des amalgames, qui dissimulent souvent eux-mêmes une vision managériale du monde universitaire. C’est à défaire cette fausse alternative que s’attache cet essai en déjouant les prises de position polarisées et en redonnant tous leurs droits à la critique et à la nuance.