Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 13 mai 2021

INCLUSION

     Ce troisième élément est intéressant à commenter. Il n’est pas de nature éthique. Il est issu du monde du design et de la publicité, il relève des concepts du marketing. À ce titre, il fait entrer l’idéologie managériale dans le monde universitaire. L’impact en est significatif dans l’écriture dite inclusive (à distinguer de la féminisation des noms de métiers). Le débat a fait rage en France à ce sujet en 2017. Décidément : 2017. Un tournant à bien des égards. Je me suis peu penché sur cette controverse que je trouve ennuyeuse et terne. Elle vient d’être tranchée par la voie légale et de manière mesurée d’après les informations dont je dispose. Au reste, l’écriture inclusive n’a guère de fondement scientifique. Elle importe en ce qu’elle est surtout révélatrice de malentendus. Une piste qui retient mon attention est l’éloge d’un manuel de Raphaël Haddad, sous-titré : « Faites progresser l’égalité femmes/hommes par votre manière d’écrire ». Il est intéressant de noter que l’édition Mots-Clés est le produit d’une start-up. Haddad qui se présente avec un doctorat en analyse du discours est en vérité orienté surtout vers la communication. Sans décrypter le jargon anglicisant du texte, caractéristique du monde entrepreneurial, notons que le manuel s’ouvre par Foucault autour des liens discours et pouvoir (premier malentendu : la notion foucaldienne de discours n’a rien de linguistique, justement). On lit de consternantes simplicités telles que « la langue reflète la société et sa façon de penser le monde. » (p. 15). Comme au bon vieux temps du marxisme mécaniste. Souvenez-vous. Doisneau. Les années 50. Les souliers crottés sur le chemin de l’école. Le noir et blanc. À croire que l’enseignement de la sémiologie n’a jamais existé. Ni le concept d’interprétant. Peirce. Saussure. Benveniste. Etc. Or on trouve ce manuel conseillé dans la section francophone de la bibliothèque McLennan de l’Université McGill (championne en niaiseries intellectuelles ces temps-ci, il est vrai, désormais la palme de ce qu’on pourrait appeler la linguistique woke) : https://libraryguides.mcgill.ca/ecritureinclusive. Mais également sur le site de le Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres de l’UQAM : https://chairedspg.uqam.ca/publication/manuel-decriture-inclusive. L’amalgame est exactement là : dans le fait qu’au lieu de partir de la langue, en confondant comme un élève débutant le signe et le référent, on part des identités qu’on présuppose et on travaille décisionnellement et de manière externe sur l’idiome en sa composante écrite (ce qui est encore un autre problème). L’enjeu réside dans une critique (en vérité : absolument normative) de la langue et de l’histoire de la langue. Il ressortit au pouvoir de représentation de la langue (et en conséquence à la sous-représentation des femmes, etc. Je passe sur la confusion entre la catégorie anthropo-biologique de « femme » et « féminin » en tant que catégorie morphologique, etc.). Mais la langue ne représente pas, elle a le pouvoir de signifier et de référer. S’il faut penser un processus de représentation, ce ne peut être par l’entremise de la langue en ses composantes orthographiques et morphosyntaxiques qu’il est possible de le faire mais sur la base des discours qui la réalisent.