Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 19 juillet 2023

DIATRIBE

    Sur les côtes pauvres de l’Est maritime et son « grand désert d’hommes », exposé aux chaleurs et aux vents, lecture de Nathalie Heinich, Le wokisme serait-il un totalitarisme ? (Albin Michel, 2023). Au vu du titre, racoleur et commercial, question rhétorique dont l’auteure et le lecteur un peu avisé ont déjà la réponse, j’ai longtemps hésité à y entrer, même à me procurer l’ouvrage. Il a tous les traits de la littérature réactionnaire dont les publications se sont multipliées ces dernières années. On ne sort guère d’une logique de la diatribe malgré d’excellentes analyses critiques par ailleurs et quelques claques bien méritées à Cusset ou à Ogien. Soupir et lassitude à cette alternance de pamphlets et contre-pamphlets – et je remarque que c’est ce qui plaît au public. Cela pose en premier lieu la question du discours, de son historicité, de son statut aussi. Il me semble qu’on peut faire un vrai travail critique à la manière de Stéphanie Roza, au propos plus large, sans tomber dans tous ces travers. Il y faudrait une étude à la loupe, argument par argument. À commencer par les manques chez Nathalie Heinich, une réception obsessionnelle (et très française) de la question à travers le prisme états-unien (qui, en retour, se défend mal de l’accusation d’anti-américanisme) ; avec les simplifications de service (notamment sur le multiculturalisme) ; une ignorance complète de la situation canadienne-québécoise ; australienne ; et britannique. La notion de totalitarisme, sinon par autorité sous le patronage de Arendt, n’est pas vraiment définie. L’argumentation se place dans l’analogie. D’emblée. S’il y a des traits relevant du maoïsme ou du stalinisme, il ne s’agit pas d’une gauche totalitaire – ou alors ce serait un totalitarisme sans l’État… Au mieux s’agit-il en effet d’une gauche autoritaire. Mais à rester collée à l’idéologie, l’auteure manque une analytique du pouvoir. La riposte serait une alliance de la gauche antitotalitaire et de la droite libérale. Lorsque l’auteure en conclut (p. 163) : « La France se trouve ainsi à l’avant-garde d’un combat qui concerne aujourd’hui l’ensemble du monde occidental », je ne sais pas s’il faut en rire ou en pleurer. Le comble du ridicule qui dénonce de lui-même les particularismes de l’universalisme – à commencer par le nombrilisme français qui prétend parler du monde en parlant de la France – maladie nationale – et surtout plus gravement sa colonialité intellectuelle – celle-là même que les penseurs postcoloniaux et décoloniaux n’ont eu de cesse de démystifier en provincialisant l’Europe – le centre intellectuel n’étant plus là et depuis longtemps.

mercredi 12 juillet 2023

À QUI LA DIVERSITÉ PROFITE-T-ELLE LE PLUS ?

  Nouvelle sortie : A. Bernadet, « À qui la diversité profite-t-elle le plus ? » (Le Devoir, 12.07.2023). Retour sur la décision récente de la Cour suprême des États-Unis de mettre fin aux programmes d’affirmative action : l'occasion de réfléchir aux limites de la politique canadienne d'équité et des plans EDI dans les universités qui, sous leurs dehors progressistes, proposent en vérité une justice élitaire plus qu'une politique égalitaire.