Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 11 août 2018

LA PRATIQUE DE LA THÉORIE DE LA PRATIQUE

Michel de Certeau. Dialogue et lectures renoués. Et ce sentiment obscur de passer à côté depuis plusieurs mois. Difficile. Démêler. Dans le maniement vertigineux des catégories – manières, usages, procédures, pratiques, tours, etc. – il y a une marge d’incertitude. Ce n’est nullement un hasard ; mais les commentaires adressés à la théorie et spécialement aux théories des arts de faire me semblent révéler le problème. Il m’apparaît que c’est au moment précis de reconnaître la pratique de la théorie elle-même, et de récuser par conséquent le partage entre une théorie pure de la pratique et une pratique pure sans théorie, que la manière resurgit aux côtés des manières – pour l’essentiel modalement conçues –dans l’emploi singularisant qui l’attache directement à l’ordre de la création. En effet, Michel de Certeau postule « une “manière de faire” la théorie des pratiques » (L’invention du quotidien, t. I, p. 98), c’est-à-dire une « manière de penser » qui se révèle simultanément, sous une forme solidaire et réciproque, une « manière de faire » (ibid., p. 103). Non seulement une démarche rationnelle entée sur la manipulation de principes, de concepts, d’arguments, le recours à l’enquête et aux statistiques, mais plus radicalement l’écriture d’un savoir tendue vers cet autre à penser qui en représente l’impensé – « le nocturne qui l’entoure et la précède » ou « l’opaque réalité » dans laquelle s’origine toute « question théorique » (ibid., p. 84). En ce sens, la pratique n’indiquerait pas seulement quelque dehors du logos à confronter, pour mettre à nu en retour les divers points de tension entre expériences discursives et expériences non discursives (leitmotiv de l’œuvre). Si les « manières de penser investies dans des manières de faire constituent un cas étrange – et massif – des relations que des pratiques entretiennent avec des théories » (ibid., p. 75), la raison en est que les pratiques ne ressortissent pas au connaissable, ce qui les détermine et les rend intelligibles, mais indexent à part égale l’inconnaissance de la théorie, ce qui en gouverne les manières et par ces manières en révèlent la manière. Trois figures : Freud, Bourdieu, Foucault. En croisant L’invention du quotidien et Histoire et psychanalyse.