Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 18 août 2018

PLURIEL ORIGINAIRE ET HISTORICITÉ LINGUISTIQUE

En gros, le savoir de l’ordinaire se fonde sur une « historicité linguistique commune » (L’invention du quotidien, t. I, p. 25). Mais à l’image de la culture, ce commun linguistique ne peut se représenter toutefois que sur un mode pluriel, rappel primordial pour des sociétés dans lesquelles la communication occupe le « mythe central » (La prise de parole, p. 165). Entre les années soixante soixante-dix et le règne actuel d’Apple, Netflix et cie, l’analyse de ce qui est convenu alors d’appeler les mass media se serait en quelque sorte étendue et dramatisée : l’utopie technique et informationnelle (qui se double en l’occurrence d’une utopie linguistique autour de l’anglais – la langue mondialisée  le globish, etc. Voir à ce sujet entre autres Barbara Cassin, Claire Joubert), et promue à l’échelle internationale par de puissants groupes financiers, se déguiserait en idiome universel, muant tout « commerce social » en « commerce marchand » (p. 167) et réciproquement. Elle répondrait encore à une « surproduction » de signifiants colonisés et standardisés qui confisquerait la moindre « expression » ou « parole » (La culture au pluriel, p. 210). Parenthèse : retour à faire sur la parole qui n'a pas le sens linguistique. Mais le commun linguistique ne réside pas uniquement dans la résistance au libéralisme technocratique, il présuppose les institutions du dire (de l’État à l’école) et n’a de sens qu’à partir d’une critique de l’un. En effet, à rebours de la tradition philosophique en particulier, Michel de Certeau pose que « le pluriel est originaire » (L’invention du quotidien, t. I, p. 197). À l’un s’oppose le commun dont le fondement repose moins sur une ontologie essentielle de la différence qu’une ontologie historique des différences, et oblige en conséquence à penser le travail de division constitutif de la société et de la culture. La division n’est pas le synonyme d’une impossible organisation mais le gage contraire d’une cohésion comme alternative à l’un.