Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 12 août 2018

LE CONCEPT QUI MANQUE

Bourdieu, Freud, Foucault. À quoi bon compter ces tours et détours de la théorie ? Redoubler de soupçon des pensées du soupçon ? Redoubler les ruses de sa ruse de lecteur. Lire « à l’envers » des pratiques « le maître mot de la théorie » (L’invention du quotidien, t. I, p. 101) ? Que sont censées apprendre ces bons ou mauvais coups sur la culture dite ordinaire ? C’est en se reconnaissant au rang de pratique, à même un texte et des procédures, que la théorie donne à voir une manière. Michel de Certeau en discerne les formes et la commente judicieusement sans en produire jamais vraiment le concept. Cette manière ne définit plus une manière de faire la théorie par des traits idiosyncrasiques ou génériques relevant de telle autorité discursive et de telle école scientifique, dont on pourrait tenter la « classification » (Histoire et psychanalyse, p. 147) au vu des « formalités ou des “styles”, comme il y a des “manières” en peinture » (ibid., p. 146). Elle se comprend désormais dans l’ordre à la fois négatif et inaccompli d’une inconnaissance ; elle est la théorie même comme inconnaissance. Il me semble que cette donnée est capitale pour saisir : 1) le savoir comme inconscient ou l’inconscient qui sait – champ de la pratique – enfoui dans ce que Michel de Certeau appelle le corps muet et expert (pas loin de l’habitus) ; et de facto ce qui se passe, c’est la comparaison avec les poètes et les peintres – de nouveau ; 2) le leitmotiv mentionné plus bas : la nouvelle configuration du savoir issue du XVIIIesiècle – et la critique que l’auteur lui adresse : entre les arts (ou les arts et les métiers) et les sciences, l’application et la spéculation, ou encore le savoir-faire et le savoir, ce qui s’oppose ce sont des « pratiques articulées par le discours » et des pratiques « qui ne le sont pas (encore) » (L’invention du quotidien, p. 103). Ce qui pose les deux autres problèmes : l’amalgame logos et discours bien entendu (héritage philosophique) ; la déclinaison des manières de faire à partir des manières de dire…