Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 22 août 2018

DÉPOSSESSION

Entre le langage et la parole il y a dynamique. Tout langage – de l’économie à la religion, de l’enseignement aux médias – exerce par nécessité un pouvoir. Ce pouvoir repose sur « un système de représentation », relatif à l’historicité d’une « convention » (La prise de parole, p. 59). À son tour, ce système se décompose sémiologiquement entre « le représenté » et « le représentant » (p. 61). C’est le représentant qui tient lieu du représenté, ou des représentés, dans leur totalité, sans que pour autant « aucun d’eux puisse s’identifier à leur langage commun » (p. 60). Analyse classique – qui prend appui sur le champ politique et le modèle de la démocratie moderne pour le généraliser aux autres systèmes. Il en ressort cet argument privatif/négatif que le langage dépossède par le fait même de re-présenter. En regard, la parole menace par son irruption – j’imagine : à des degrés variables, plus ou moins intenses, plus ou moins efficaces – la « représentativité » du langage, « des structures, des autorités et d’une culture commune » (p. 61) – la culture de quelques-uns valant alors pour la culture de tous. C’est l’état dans lequel le commun se confond avec l'un. Or la parole atteint donc leur « cohérence interne » (p. 60) en désarticulant le rapport jusque-là admis au rang de « l’évidence » (ibid., p. 61) entre le représentant et le représenté. Cette désarticulation est imputable au processus des manières.