Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 21 août 2018

BIFURCATION

Un mois intense d’écriture – à ne pas savoir, et à laisser s’accroître l’insatisfaction de ce que la lecture de Michel de Certeau me laisse comprendre. Impossible clôture. Le pan mystique qui verrouille pleinement l’unité de l’œuvre encore à déployer. Tout s’y concentre : concepts, méthodes, enjeux. Du moins la question régulièrement agitée de l’un et du commun dans la théorie de la culture ordinaire me rappelle-t-elle à ce projet, qui est d’abord une promesse, d’un travail sur la communauté par l’histoire de la Commune de 1871, des Communes révolutionnaires. Elle me déplace ou me replace au passé, le sentiment de malaise tôt éprouvé au maniement spontané de tels concepts. Pourquoi, écrivant L’Exil et l’utopie (2007), ils apparaissaient déjà inadéquats et je devais parler de « peuple à venir ». Sans doute y avait-il du dix-neuviémisme (la charge postromantique évidente du corpus alors traité à travers Michelet, Hugo) et du dix-neuviémiste. Mais le même trouble interrogateur à lire la confirmation de ce sentiment dans le travail de Claire Joubert par exemple sur des corpus et des langues sensiblement différents : Beckett, Deleuze, le « peuple qui manque », le dépeupleur, etc.  Explicable dans ce cas par des bases épistémologiques partagées. Soit. Le besoin donc d’élucider ce qui se donne comme l’illusion rétrospective d’un choix : l’expérience théorique banale, celle d’une bifurcation des concepts : « c’est ça », « ce n’est pas ça », alors que ça est gouverné par le stock et le tamis d’innombrables ou rares lectures, l’histoire d’un raisonnement intérieur, les perplexités, les mouvances, les balbutiements et les doutes, ce temps singulier où l’on bifurque qui entraîne d’incalculables conséquences si l’on avait dit et pensé autrement. – Et « commun » comme « communauté » me semblent vus d’en face toujours générateurs d’apories poétiques, culturelles et politiques. La ligne Blanchot, Nancy, Derrida, Agamben entre autres. Mais l’usage semble plus répandu, et particulièrement séducteur chez cette espèce bizarre appelée les littéraires. Des raisons à éclaircir donc.