Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 18 août 2018

ATOPIE DE LA CULTURE : L'ART SANS PLACE

Une telle démarche laisse en effet apparaître que l’art ne détient pas de place a priori, comme le montre le cas des dessins ou des écrits bruts. En soi l’art n’a pas de lieu réservé, à l’exception peut-être de celui que lui réserve la culture, ses acteurs, réseaux et institutions. Sur ce point précis, Michel de Certeau néglige peut-être ce fait qu’en ses formes reçues ou conventionnelles l’art ne correspond pas à l’entité homogène et stable qu’il lui suppose, ses expressions sont traversées de crises, de rejets, de ruptures, de concurrences, qui en rendent mouvants les territoires comme les définitions. La « polémologie » ou « art de la guerre quotidienne » (L’invention du quotidien, t. I, p. 63) qui lui paraît distinguer les pratiques culturelles mineures ou dominées le caractérise tout autant. En outre, l’histoire des deux derniers siècles en littérature comme en peinture ou en musique ne se limite pas à celle des avant-gardes ; elle inclut les inventions solitaires, excentriques et périphériques. Elle est encore inséparable des académismes de l’ancien comme des académismes du nouveau. Elle se révèle elle-même plurielle, entre autres parce qu’elle est poreuse à des pratiques et à des acteurs qui n’appartiennent pas à son champ d’origine, mais renouvellent sa compréhension en donnant à des objets exclus la forme d’œuvres. L’art est moins en attente d’une homologation sociale qui en résoudrait l’identité, le sens et les fonctions, qu’il ne désigne l’utopie vers laquelle le porte le savoir d’une manière chaque fois singulière comme perte de savoir. N’ayant pas de place assignée, qui le destinerait non à créer la culture mais à se ranger par avance à cet autre lieu non-lieu qu’est le culturel, il se trouve précisément dans l’obligation d’inventer cette place pour advenir.