Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 18 août 2018

L'ÉCLATEMENT DE LA LANGUE

Pour penser ce rapport entre du pluriel et du commun, un cas des plus remarquables en ce domaine est l’histoire excessivement centralisée et contrôlée du français. Michel de Certeau tente de lui substituer un « éclatement de la langue » qui tiendrait compte de « systèmes diversifiés mais articulés » : disposée au centre de l’apprentissage scolaire, loin de la « magistrature » grammaticale et orthographique, la « multiplicité des pratiques actuelles » y introduirait un « autre comportement culturel » (La culture au pluriel, p. 106). Cette multiplicité se mesure :
a) au passé : notoirement à la politique jacobine et républicaine, son double processus d’exclusion des dialectes – soit : les manières de parler locales, morcelées, devenues l’expression d’un ailleurs placé entre l’origine et la nature, celui d’« une France sauvage » (Une politique de la langue. La Révolution française et les patois, p. 141), – et de genèse d’un commun national par l’indivisible idiome qui donne corps à la société.
Note : en 1975, au moment où Revel, Julia et Certeau publient leur enquête sur le questionnaire de Grégoire, le processus d’unification linguistique lancé en 1539 avec l’édit de Villers-Cotterêt et mis en œuvre lentement mais de manière systèmatique au cours du XIXesiècle, est acquis depuis une décennie – dans le courant des années soixante.
b) au présent : la diversité des locuteurs francophones comme la réalité des nouveaux migrants en situation de bilinguisme ou de polyglottisme qui, pratiquant à leur « corps défendant et de façon chaotique » deux ou plusieurs langues et deux ou plusieurs cultures mettent « à l’épreuve notre société » et nos manières (La prise de parole, p. 217).