Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 11 mars 2023

RUSE PHILOLOGIQUE

     À chaque lecture l’étonnement face aux ruses philologiques autour de « race », bien que je commence à les reconnaître de loin, ici autour de la traduction en français du Contrat racial de C. V. Mills, annoncé comme un brûlot. Et par l’éditeur comme un « livre-monument ». Ah bon ? La même tentative pourtant de réinterpréter le libéralisme démocratique et ses fictions comme dissimulation de la question raciale (cf. voir dans le même genre White Freedom) ; la même butée sur la question sociale, écartée à coups de contorsions sophistiques dans une longue note (p. 44) : la litanique whiteness et les non moins monotones white privileges cela trouve toujours ses limites heuristiques. C’est l’emploi de « race » qui m’arrête : 1. d’une part, « Oui, la race existe vraiment, si ce n’est biologiquement, alors en tant que construction sociale accompagnée d’une réalité sociale » (italiques miennes ; p. 21) – ce qui est devenu la thèse passe-partout, et je relève la concession (vérifier la syntaxe du texte original) : si ce n’est, qui dit la tentation de renaturaliser ce qui n’aurait de validité heuristique qu’à la condition d’être dénaturalisé : la construction sociale. Mais le biologique n’a jamais disparu dans la vision constructiviste. L’autre point est l’association entre le concept de « race » et les critères « phénotypiques/généalogiques/culturels » (p. 43). Comment lire la ponctuation : comme mots alternatifs (ou) ou conjonctifs (et) ? entre discontinuité et continuité ? Texte source et texte cible à comparer. C’est en tous cas une approche résolument extensive de « race » qui autorise comme dans la Critical Race Theory pour les besoins de la modélisation critique et les luttes idéologiques une stratégie polysémique, mais traduit une déconceptualisation. La catégorie qui fait le plus sursauter est « généalogiques », car si elle fait le trait d’union entre « phénotypiques » et « culturels », elle se rapporte en anglais comme en français à l’acception classique : la famille, la lignée, l’espèce. A group of people of common ancestry, et pour rappel c’est le mot français qui passe d’abord en anglais avec cette valeur primitive. L’autre élément, c’est l’inclusion de « culturels » (voir le propos du MP que je rappelais il y a peu) : mais c’est la race qui devient l’interprétant de la culture (notion habituellement couverte par ethnique).