Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 11 novembre 2020

ESSENTIALISME

        En rassemblant quelques-unes des remarques qui précèdent : il me semble que le texte du syndicat des étudiant.e.s de l’université d’Ottawa importe, non par son contenu voire sa rhétorique pétitionnaire – il s’écrit dans une langue pauvre et décousue, simpliste par ses idées. (À observer plus loin le statement of solidarity, qui ne vaut guère mieux en « pensée », signé par quatre professeures de la School of Sociological and Anthropological Studies d’Ottawa, ce qui est plus grave). Mais il importe au regard parce qu’il programme les apories du débat à venir – les raccourcis comme les amalgames (variablement motivés ou intéressés) – et probablement le dialogue de sourds entre celles et ceux qui y voient une question relative à « la liberté académique », et celles et ceux qui y perçoivent plutôt un problème de « racisme systémique » au sein du monde universitaire, etc. Et tandis que le mot nigger/nègre, décrété imprononçable sinon formellement interdit, apparaît comme le canal d’antagonismes et de tensions préexistants, il n’empêche qu’il est également révélateur d’un essentialisme des identités et des différences, qui informe la controverse dans son ensemble. Le modèle de culture et de société est inséparable d’un modèle du langage qui est tributaire du nom comme prototype du signe. Il a des effets immédiats dans le transfert du pluriel « black communities » quand elles sont cibles de la dégradation insultante au singulier « black community », alors posée distinctement des « people » qui n’en font pas partie. Nous, les autres – une diversité qui est la société même – mais implicitement assimilable à une totalité de communautés hétérogènes et discontinues les unes aux autres – diversité néanmoins unifiable en vertu d’une une morale transculturelle de la sensibilité, de lempathie, à l'égard des victimes, des dominés et des minorités, déjà pointée. Sans même évoquer « any person of a different race » – cet autre mot suranné – notion dépourvue de la moindre scientificité. Et puis je repasserai probablement plus tard à travers les pages qu’Achille Mmembe consacre au « substantif nègre » dans le chapitre « sujet de race »  de Critique de la raison nègre. Dans tous les cas, la lecture par le signe suffit à rappeler qu’on n’entre pas dans la controverse de nulle part – mais chaque fois selon un point de vue nécessairement situé qui tient à sa discipline, au socle épistémologique qui la fonde, à l’histoire et  l’état actuel des questions qui la traversent et la caractérisent.