Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 13 novembre 2020

DU MALENTENDU

       À mesure qu’on rassemble et déchiffre les divers matériaux du dossier, et l’archive concerne au premier plan la politique des savoirs, ce sont les asymétries et les déséquilibres qui se dégagent significativement, la passion discursive sous forme polémique qu’a suscitée cette péripétie académique, plus richement et longuement commentée au Québec qu’en Ontario et dans le restant du Canada, surtout le malentendu considérable qui sépare les revendications étudiantes et un corps professoral lui-même divisé, les relais culturels et journalistiques de la question. En vis-à-vis, pour mettre en perspective d’autres analyses à venir, deux interventions radiophoniques sur CBC (https://www.cbc.ca/news/canada/ottawa/university-of-ottawa-professor-racism-1.5768730) et le texte des 34 signataires – reproduit in extenso. Source : Le journal de Montréal (https://www.journaldemontreal.com/2020/10/16/libertes-surveillees-des-profs-de-luniversite-dottawa-denoncent-la-suspension-de-leur-collegue):

Libertés surveillées: des profs de l’Université d’Ottawa dénoncent la suspension de leur collègue.

 

COLLECTIF DE SIGNATAIRES

 

Vendredi, 16 octobre 2020 10:52. MISE À JOUR :Vendredi, 16 octobre 2020 10:52.

 

À titre de professeur.e.s de l’Université d’Ottawa, nous tenons à exprimer notre désaccord face au traitement réservé à la professeure Verushka Lieutenant-Duval par notre établissement. Deux éléments nous semblent confondus dans cette malheureuse affaire: 1) le racisme sur le campus, les micro-agressions, la discrimination parfois inconsciente mais quand même réelle dont sont victimes les minorités, et qu’il faut dénoncer; 2) le rôle de l’enseignement universitaire, des professeur.e.s et des salles de classe, qui est de nourrir la réflexion, développer l’esprit critique, permettre à tous et à toutes, peu importe leur position, d’avoir le droit de parole.

Rappelons quelques principes fondamentaux de l’enseignement universitaire.

Si tout.e professeur.e doit, dans son enseignement, se montrer sensible aux réalités des différent.e.s étudiant.e.s de sa classe, l’université demeure néanmoins un lieu de débats; un lieu, aussi, d’exploration des réalités de l’histoire, notamment de l’histoire des idées, plusieurs desquelles entreront en conflit avec la doxa du moment.

La salle de classe (physique ou virtuelle) ne peut devenir un lieu libéré du poids de l’histoire, des idées et de leurs représentations. Il est donc inévitable que certaines lectures, certains concepts, voire certains mots heurtent des susceptibilités. L’université est justement le lieu pour réfléchir à cette réalité, pour l’historiciser, pour s’affranchir scientifiquement de la tyrannie, tant des majorités que du présentisme.

Prenons l’exemple de Pierre Vallières, peut-être le plus inclusif des intellectuels indépendantistes avec Gérald Godin. Si ce grand essayiste écrivait aujourd’hui, après le questionnement collectif lié à l’appropriation culturelle, il choisirait sans doute un autre titre que Nègres blancs d’Amérique. En 1965, la question se posait différemment, et l’auteur choisit ce titre en hommage à Léopold Sédar Senghor, à Aimé Césaire, à Frantz Fanon et par solidarité avec les membres des Black Panthers qu’il côtoyait dans son emprisonnement américain. De même, Dany Laferrière conteste les stéréotypes dans son premier roman, dont le titre même,Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, est provocateur. N’est-ce pas le rôle de l’université de mettre ces réalités en perspective? D’enseigner ces œuvres et tant d’autres qui permettent de penser le monde? Cette mission fondamentale deviendrait pour le moins difficile dans un contexte de libertés universitaires surveillées, où une professeure se ferait (comme Catherine Russell, de l’Université Concordia) retirer son cours pour avoir mentionné le seul titre de l’essai de Vallières (pour ne pas souligner le sort de la journaliste Wendy Mesley, suspendue par la CBC après avoir cité la traduction anglaise du même titre).

Enfin, il importe que les administrations universitaires, tout en participant à la mise au jour et à l’abolition de toute forme de racisme systémique, veillent à protéger la transmission des connaissances, le développement de l’esprit critique et la liberté universitaire, liberté qui peut parfois s’exercer au détriment du clientélisme, mais qui participe de toute forme de libération véritable.

 

Pierre Anctil, professeur titulaire ; Denis Bachand, professeur émérite ; Joël Beddows, professeur agrégé ; Nathalie Bélanger, professeure titulaire ; Pierre Bélanger, professeur titulaire ; Marc-François Bernier, professeur titulaire ; Michel Bock, professeur agrégé ; Louise Bouchard, professeure titulaire ; Geneviève Boucher, professeure agrégée ; Marc Brosseau, professeur titulaire ; François Charbonneau, professeur agrégé ; Nelson Charest, professeur agrégé ; Christian Detellier, professeur émérite ; Louise Frappier, professeure agrégée ; Lison-Nathalie Gagnon, professeure à temps partiel ; Anne Gilbert, professeure émérite ; Florian Grandena, professeur agrégé ; Lucie Hotte, professeure titulaire ; Kasareka Kavwahirehi, professeur titulaire ; Charles Le Blanc, professeur titulaire ; José Lopez, professeur titulaire ; Brunella Masciantonio, professeure à temps partiel ; E.-Martin Meunier, professeur titulaire ; Isaac Nahon-Serfaty, professeur agrégé ; Kevin Orr, professeur titulaire; Anne-Marie Ouellet, professeure adjointe; Sylvie Paquerot, professeure agrégée; Jonathan Paquette, professeur titulaire ; Maxime Prévost, professeur titulaire; Andrew Taylor, professeur titulaire; Geneviève Tellier, professeure titulaire ; Marie-Claude Thifault, professeure titulaire ; Christian Vandendorpe, professeur émérite. Stéphane Vibert, professeur titulaire.