Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 23 avril 2021

MICROPOLITIQUES

     Il y eut jadis la « science bourgeoise », qu’il fallait démystifier et renverser au nom de la science prolétarienne ; désormais, il s’agit de « science blanche ». (En face, c’est quoi ? la magie noire ? puisque les minorités se placent selon le schéma woke en dehors du logos, voir les logiciels de rééducation fédéraux). Au terme de la racialisation des concepts, les analogies sont cependant plus serrées. Dans son essai, Taguieff parle de « marxisme racialisé » (L’Imposture décoloniale, p. 279). Oui, si l’on a en vue les transitions du marxisme vers le tiers-mondisme et le postcolonialisme, l’utopisme transracial se substituant à l’ancienne lutte des classes. Non, car la difficulté qu’on éprouve, notamment dans le schéma binarisé et simpliste dominants/dominés, c’est que les luttes qui sont censées faire l’histoire sont d’abord des luttes de discours et de représentations, ce qui inclut prioritairement la logique de l’empowerment (cf. Culture Wars). Il reste qu’on peine à saisir les racines hégéliennes du maître et de l’esclave, la philosophie de l’histoire, quelque mouvement dialectique que ce soit – lutte des races, assurément, mais tout ceci s’accorde moins bien avec la victimhood culture comme mutation depuis 2010 des guerres culturelles nord-américaines. Le marxisme, c’est quand même a minima de la dialectique, la coprésence contradictoire et violente de forces. Il y a radicalité assurément, mais on est passé à un socle dogmatique qui sert dorénavant à fabriquer en premier lieu de l’idéologie d’État en sa tradition libérale même. Ce qui n’enlève rien aux affrontements interethniques de terrain évidemment. On est beaucoup moins dans un révolutionnarisme. La rhétorique de la radicalité existe, réglée sur la thématique du pouvoir et de l’oppression, elle s’entend mieux toutefois sur ce point avec le foucaldisme racial qu’a repéré Stéphanie Roza et, en conséquence, elle s’accomplirait plus aisément dans des micropolitiques aptes à travailler dans les failles de l’institution.