Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 20 avril 2021

LE RÈGNE DU MÊME

       Laurent Dubreuil : La Dictature des identités (Gallimard-Le Débat, 2019). Bien entendu, la nette convergence de vue sur la transformation des identités en « paradigme politique » (p. 8). Facture pédante du texte souvent. Ou inutilement abstraite, je ne sais. Le « semblant de méchanceté » ou la « véhémence » (p. 22) pour dénoncer ce qui est devenu par l’entremise de l’Identity Politics une forme, des formes de « despotisme démocratisé » (p. 25) est une posture risquée. Elle me semble manquer l’activité critique. Non pas le travail d’élucidation et de déconstruction. Mais la relation impliquée entre la critique et l’éthique. Face à la démesure, et à la sottise, je pourrais partager sur bien des points cette véhémence ; je ne m’interdis pas davantage l’ironie par exemple. Mais dans l’ordre de l’essai je crois qu’il faut rester généreux devant l’objet. Comme le sont Haidt et Lukianoff. Comprendre. Ce qui ne signifie ni excuser ni justifier. À l’échelle locale, on saisit bien les effets de segmentations et de revendications des identités qui se trouvent décrits au fil du livre – notamment sur les campus et quel modèle de société cela est en train d’instaurer. Mais il y a tant d’autres facteurs à l’œuvre que je n’étendrai pas sans m’y risquer le diagnostic. Au moins provisoirement. Le propos philosophique, toujours intéressant, perd en observation sociale et mise en perspective historique. Il reste d’excellents ciblages, sur le « mysticisme parascientifique de l’identité » (p. 41) notamment. Aussi, là où je parle d’essentialismes, Dubreuil poursuit du côté des « déterminismes », le règne du même et du « déjà-là » (p. 63). Autre visée juste : la prise de pouvoir d’une « ontologie catégorielle » (p. 38).