Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 17 septembre 2017

DÉSAVOIR POUR VOIR


Rencontre d’un mot – qui résonnait plutôt jusque-là par certaines lectures théoriques, épistémologiquement très proches – dans la Correspondance 1970-1984 entre Jean Dubuffet et Claude Simon (L’Échoppe, 1994). Il y faut naturellement la patience d’une découpe page après page comme chez ces snobs relieurs de José Corti – mais quel éditeur à venir nous signifiera matériellement que – toujours – un livre se mérite ? – avant d’atteindre la lettre du 21 octobre 1982, adressée par le romancier à l’artiste : « […] Ce qu’il y a, c’est que vous avez trouvé là un moyen de forcer à une lecture aiguë parce que lente, le sens ne ressortant qu’au second degré pour ainsi dire, si bien que les choses les plus communes (ce que vous appelez le nul) révèlent ce poids d’insolite dont le quotidien autour de nous est chargé et que la langue dite “courante” (et rassurante) dissimule derrière l’habitude. “Nous savons, dit Jakobson, mais nous ne voyons pas.” En obligeant le lecteur à décrypter pas à pas, vous l’amenez à désavoir pour voir. » (p. 51-52). Preuve d’abord, s’il en est, que le commun ou ici « les choses les plus communes » (doublées par le paradigme notionnel : habitude, langue « courante », quotidien, etc.) n’est pas donné mais source d’invention en art. Procédé ensuite de l’argumentation – l’effet de paronomase (dés)savoir-voir et mécanisme d’inversion des valeurs en débat. Le travail de signifiance, si nécessaire à contre-langue et contre-signe, « pour voir » à double entente : substitution et finalité. Le désavoir qui vient défaire les perceptions et les catégories – du sens a priori ; le désavoir différant / sécondarisant le sens, mais plaçant le dire comme la condition ici du « voir ».