Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 26 décembre 2020

LA LECTURE MANAGÉRIALE

     Un point de détail qui me revient, et me taraude depuis la lecture des déclarations du Provost Manfredi le 15 décembre suite à l’intervention de Julius Grey et consorts dans The Gazette comme à la publication ce même jour de notre article Isabelle Arseneau et moi-même dans La Presse : « McGill’s Statement on Academic Freedom has not shifted in its scope or application. This remains true even in the face of several public statements calling upon us to prioritize equity and inclusiveness over academic freedom, or vice versa. At McGill, none of these principles supersedes the other, nor is any of them absolute. Determining the limits of any of these principles always requires a contextual analysis. » Bien entendu, la pratique de censure invalide la première phrase. Ensuite, la stratégie d’ensemble consiste à se placer au-dessus de la mêlée et à renvoyer dos à dos les acteurs de la controverse. Ce qui m’arrête est plutôt l’énoncé à valeur gnomique : « At McGill, none of these principles supersedes the other, nor is any of them absolute. » Le raisonnement qui se présente comme une particularité locale (« At McGill »), et ne vise qu’à rassurer les membres de la communauté eu égard à leur position dans la polémique, est aussi imparable qu’efficace. Car il se règle très simplement sur des truismes. Mais aussi de faux parallèles : entre liberté académique et équité ou inclusion – l’amalgame séminal de la question. Ce qui est d’autant plus surprenant que seule la liberté académique peut définir ce qu’est véritablement une institution d’enseignement et de savoir comme l’université, elle en est constitutive ; l’équité et l’inclusion ont trait à son histoire ou à son évolution, au mode d’être ensemble sur le campus, sa réalité sociale, ce qui est non moins important mais très différent. Aucun des trois termes n’est en vérité sur le même plan. L’argumentation est truquée. Dire que de tels principes ne sont pas absolus relève de l’évidence, mais l’égalisation que cette assertion autorise aussitôt trahit par contre une lecture typiquement managériale des fondements du monde universitaire : il convient désormais de gérer des principes et des valeurs sur un plan essentiellement pratique. Ainsi s’explique que l’argument qui suit immédiatement esquive littéralement un débat dont les termes sont  défaillants et viciés : « Determining the limits of any of these principles always requires a contextual analysis ». La conversion du fondement en management s’achève logiquement en casuistique. Au lieu de tenir et représenter des principes dans leur complexité même, on cherche à résoudre des cas, on convoque des solutions