Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 27 décembre 2020

CRT ET CRITICITÉ

     Probablement une des pièces manquantes du puzzle, les Critical Race Theories (rien que le nom…), qui ont émergé autour des années 80, Derrick Bell et cie. Et l’objet est familier à certains acteurs de la controverse, en premier lieu aux juristes, si j’en crois l’échange très tendu avec la représentante en matière d’équité de mon établissement, mais également le légendaire Jacques Frémont, défenseur à peu de frais des droits de la jeunesse et des minorités, etc. Probablement aussi un des socles de la culture woke et bien entendu une critique du droit, dans le sillage historique des Civil Rights. Or ces courants de pensée qui s’enracinent en priorité dans la situation de la société états-unienne ont comme présupposé commun l’anthropologie racialiste discutée ces derniers jours avec certaines topiques sensibles dans le discours social des acteurs, l’hostilité au modèle libéral de l’éducation, les savoirs légitimes étant aux mains de la population blanche, le postulat de racisme dit systémique, les credos de la culture victimaire, et un élément qui a retenu mon attention, non seulement parce qu’il a été très « controversial » et débattu dans les dernières décennies du XXe siècle, d’après ce que j’ai pu comprendre : l’accent mis sur l’expérience et le story-telling, au détriment des nouages logiques de l’argumentation traditionnelle. Non que le « narrative », le jeu du récit, ne puisse être un instrument de connaissance en soi ; mais il exige dans ce cas un protocole de lecture spécifique. Mais le dispositif semble obéir à une autre stratégie : il se place en opposition aux procédures discursives de la logique et du raisonnement – c’est la critique sur-racialisée et entièrement fantasmée du logos occidental ; une tentative d’évitement enfin, le contrôle ou la sanction de scientificité, la validité épistémique et à terme le potentiel heuristique des arguments et des démonstrations. C’est peut-être – stricte hypothèse à vérifier par des lectures systématiques – l’une des racines que je percevais dans la reprise de l’anthropologie coloniale XIXe siècle qui place le Blanc du côté de la Raison, le Noir et extensivement les minorités du côté de l’Émotion. Dans ce contexte, on est en droit de s’interroger sur la criticité que revendiquent de telles théories. En tous cas, je saisis mieux la cohérence entre ce primat de l’expérience, l’irrationalisme dans lequel il s’immerge, et la culture victimaire, la langue de la blessure et du ressenti qui l’entoure. Car il s’agit de créer un objet argumentativement indiscutable ou irrécusable (cf. ne pas oublier le prophète Jacques Frémont : « Les membres des groupes dominants n’ont tout simplement pas la légitimité pour décider ce qui constitue une micro-agression ») – un objet d’emblée soustrait à l’empire de la raison (blanche), qui aura donc à ce titre l’efficacité politique maximale. À suivre.