Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 21 décembre 2020

GESTIONNAIRES ET GIROUETTES

    Article incisif, et dérangeant, d’Yves Gingras, historien et épistémologue, au titre un brin provocateur : Quand le jugement [des élites] fout le camp. (Journal de Montréal, 17.12.2020). L’optique n’est pas celle d’un populisme pourtant – ce que s’applique à défaire la double lecture des crochets. Aux phénomènes de pressions sociales, et particulièrement les « tentatives de censure, de chantage ou d’intimidation » exercées par des « groupuscules de moralistes », distincts ici des simples activismes inséparables du statut même d’une société démocratique et ouverte, répond le comportement – et c’est de côté que porte en priorité le regard – d’instances censées représenter des institutions, agir au nom de leurs principes et de leurs valeurs. Le propos se centre sur le champ du savoir et de la culture (de l’édition au cinéma en passant par l’université). Le pointage qui exigerait un inventaire factuel et des développements analytiques précis se fait vers tous ces agents qui font de la « gestion » une priorité absolue sans se poser trop de questions sur la nature et la finalité des « objets » qu’ils « gèrent », des agents qui obéissent à ce titre aux « buzz words et pseudo-concepts » en abdiquant complètement les raisons d’être des institutions qu’ils devraient défendre. Un contresens ici serait de prendre une telle esquisse pour un plaidoyer conservateur des institutions, qui dissimulerait de la sorte leurs mécanismes de pouvoir et de domination ; le papier a plutôt l’intérêt de cibler l’idéologie managériale et ses ravages. Et on ne peut pas ne pas penser à l’essai de Luc Boltanski et Ève Chiapello sur le Nouvel esprit du capitalisme et les mutations de la critique. De ces gestionnaires, qui sont comme « des girouettes qui suivent le vent », il existe diverses versions. Le cas est frappant dans le milieu académique. Le paradigme gauchiste et le paradigme néolibéral, antithétiques en apparence, se marient l’un comme l’autre au clientélisme et aux impératifs de l’économisme. Ce qui disparaît dans chaque cas c’est le sens des savoirs.