Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 18 octobre 2020

PASSATION

   Devant l’écran : Big Fish (2003) de Tim Burton que je n’avais pas revu depuis sa sortie en salle, ce conte drolatique du père et du fils – la séquence exceptionnelle de la baignoire et la larme d’amour (réplique de lépouse : « I don’t think I’ll ever dry out ») – l’un des points intenses de la métaphore filée tout au long du film (le devenir-poisson), qui se clôt dans la scène de la rivière, dont le fils est désormais le narrateur (« it’s unbelievable » – « the story of my life » répond le père), puisque pour cette fois – la dernière – c’est son tour de raconter au mourant son départ de ce monde (« how I go ») – quand enfin se rassemblent tous les personnages (« Everybody is already there, and I mean everyone […] and the strange thing is that there’s no sad face to be found ») et les objets (la fameuse alliance en or jaune qui avait servi à pêcher le poisson fantastique, restituée à l’épouse qui l’attend, en robe, dans l’eau : « My girl in the river ») jusqu’à la mue finale en animal. L’élément crucial qui vient inverser les histoires rituelles et incroyables, celles des couchers de l’enfance, reste bien entendu la passation onirique du rôle du conteur et de ses pouvoirs enchanteurs, transmission au fils qui sy refusait jusque-là, qui porte son père dans la fable, non comme Énée Anchise sur son dos, mais à bout de bras avant d’atteindre la rivière, laccompagnant ainsi dans son ultime voyage.