Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 1 octobre 2020

APPÉTIT

     Au petit matin, 7 degrés au-dessus de zéro. La pente lente, refroidie et vaguement hostile de l’automne. Et malgré l’entrée progressive dans le gel des saisons inertes, la sensation intérieure après les maigreurs brusques de l’été d’un corps en excès. Lourd. Clumsy en fin de compte : à la manière ambulatoire des phoques du Saint-Laurent. C’est qu’à force d’entretenir la faim et même l’insatiabilité, l’excroissance de graisses a fini de manière presque invisible par prendre le dessus sur les os et les muscles et les dissimule désormais. La maladie centre l’obsession sur le ventre ; mais elle marque plus heureusement aussi l’appétit pour les lectures, la presque boulimie de mots qui viennent combler le rien. Désirs : reprendre le Journal de Kafka ; La Rage de Louis Hamelin ; laisser reposer Pessoa pour un temps incertain ; revenir à Under the Volcano. L’envie également de retourner à Maldoror. Le chant de la prose avec ses excès potachiques, humour et parodie (voir dans mon souvenir Claude Bouché, Lautréamont : du lieu commun à la parodie, Paris, Larousse, 1974). Il aurait sans nul doute sa place dans la liste des diseurs en prose