Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 2 octobre 2020

LE MONDE DES MOTS

     Louis Hamelin : La Rage (1989 – 2006, Montréal, Boréal/Compact). Les pages trouvailles malgré l’irritation éprouvée à l’abus des périphrases notamment, des bons mots auprès du lecteur au gré des répétitions-reformulations, du maniement quasi-ostentatoire de la langue, qui à certain degré participe de l’emploi de l’humour et de l’ironie, à d’autres moments beaucoup moins. Et cependant, dans sa géographie d’emblée très politique, le squat sur « la terre interdite de Mirabel », le long de la propriété fédérale de l’aéroport, et la violence sociale qui en accompagne l’histoire (voir la remarque presque liminaire à propos de Malcolm Lowry : « que le véritable péché originel pourrait bien avoir été la propriété foncière du paradis », p. 13), les échanges entre personnages qui y mettent toute la distance et la réflexivité requises, comme avec Johnny : « Il eut un sourire perplexe, peut-être un rien méprisant, et il dit doucement : – Ton monde, c’est vraiment les mots, hein ? » (p. 116). Ou avec Christine : « Elle me lança du feu. Puis elle secoua la tête avec commisération : – Tu te penses drôle, peut-être ? On dirait que tu sais jouer avec les mots. C’est tout ce que tu sais faire ? » (p. 125).