Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 16 septembre 2020

RECTANGLES

    Tristesse de la société. Tous ligotés derrière de plats écrans, où chacun, réduit à la miniature, comme vaincu en taille et en épaisseur par l’image, se silhouette vaguement, avant de s’éclipser en agitant la main en forme d’adieu : rectangles instables qui dévoilent cependant quelques fragments d’intimité – ici une chambre, ses objets et décors, la soudaine perception des goûts d’autrui ; là le contre-jour béant d’une cuisine, la lumière de la fenêtre coule sur le désordre des ustensiles, les miettes de pain, et les conserves posées sur la table d’où – on le devine – procède le moderne appareil à communiquer, avant que du spectacle ne se détache le détail incongru : abandonné dans l’angle gauche, un balai de fortune, au matériau plastique le plus cheap, acheté dans une épicerie voisine. Dehors : et nous voilà de nouveau bâillonnés, à la manière des voleurs des grands chemins, d’habiles et consciencieux chirurgiens ou des célébrants euphoriques en route malgré les circonstances pour les mardis-gras de la Nouvelle-Orléans. Un ami y puise une autre métaphore : nous voici retournés au temps du cinéma muet, comptant sur l’éloquence unique de nos gestes et de nos corps. Car pour qui se risque à l’extérieur la parole est vite étouffée, quand elle ne devient pas inaudible. Elle n’est vraiment libre qu’à la maison, autorisée mais recluse dans les boîtes à sons et à visages par lesquelles désormais on échange et partage.