Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 11 septembre 2020

JOURNAL

     Sans doute devrais-je tenir un journal du corps. Non seulement pour y consigner le minuscule des sensations et des perceptions, qui ces derniers mois sont devenues emphatiques et pesantes. Mais peut-être aussi, ou non moins élémentairement, pour enregistrer de simples événements intérieurs, qui font le cœur de l’ordinaire. Hier ou avant-hier par exemple, j’ai laissé s’écouler la journée entière, les yeux fixés sur un ciel bas et lourd à la Baudelaire, le courrier professionnel s’accumulant dans la boîte qui dégorgeait comme les gargouilles de feu Notre-Dame de Paris. Il m’a plu de dépenser inutilement ce temps, tendu à l’écoute de l’Anneau de Wagner dans la version dirigée par Georg Solti, dont je conserve pieusement les coffrets. Les mélodies ininterrompues reconduisent 15 ou 20 ans en arrière, comme une violente jetée rétrospective de la musique qui se referme sur soi.