Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 10 septembre 2020

BLAGUE

    Il y a quelques semaines je recevais un courriel très amical du journaliste Frédéric Martel, à l’occasion de la republication de la biographie de Rimbaud par Jean-Jacques Lefrère. Ce matin, c’est plutôt une brève humoristique de Marc Angenot m’annonçant ce qui circule dans les media en France et ailleurs, l’appel solennel lancé par d’éminentes figures du milieu politique et intellectuel, depuis Roselyne Bachot, actuelle ministre de la culture, jusqu’à Olivier Py ou Annie Ernaux, appel adressé donc à cet autre fin lettré, ancien scribe du philosophe Paul Ricoeur et premier citoyen dans l’hexagone... Car on croit dabord à un canular – ou à ce qui fut l’une des spécialités du XIXe siècle, du dernier tiers particulièrement – la catégorie de la « blague » dans ses variantes fumistes – et concernant deux zutistes notoires, il y a vraiment de quoi être sur ses gardes. Voici la pétition, par ailleurs consultable à l’adresse suivante – https://www.change.org/p/président-de-la-république-pour-l-entrée-au-panthéon-d-arthur-rimbaud-et-paul-verlaine :

« Appel au président de la République

 

Ce qu’on dit aux Poètes à propos du Panthéon – Pour l’entrée au Panthéon d’Arthur Rimbaud et Paul Verlaine

 

Arthur Rimbaud et Paul Verlaine sont deux poètes majeurs de notre langue. Ils ont enrichi par leur génie notre patrimoine. Ils sont aussi deux symboles de la diversité. Ils durent endurer « l’homophobie » implacable de leur époque. Ils sont les Oscar Wilde français.

Ce ne serait que justice de célébrer aujourd’hui leur mémoire en les faisant entrer conjointement au Panthéon, aux côtés d’autres grandes figures littéraires : Voltaire, Rousseau, Dumas, Hugo, Malraux.

Et ceci pour quatre raisons principales :

Littéraire d’abord, parce que le génie multiforme et les influences croisées des deux poètes ont nourri depuis plus d’un siècle notre imaginaire littéraire et poétique. 

Politique ensuite. C’est dans l’œuvre de Verlaine que l’on a puisé en 1944 le message annonçant le débarquement en Normandie à l’intention de la résistance intérieure – le vers célèbre « Les sanglots longs des violons de l’automne/ Bercent mon cœur d’une langueur monotone ». C’est vers la figure emblématique de Rimbaud que l’on se tourne dès qu’une révolte éclate, surréaliste ou étudiante, comme en mai 68, ou lorsqu’il est question de « Changer la vie », le slogan de la gauche des années 1970.

Morale encore. Les deux poètes sont enterrés dans leurs caveaux familiaux : Rimbaud avec son ennemi et usurpateur, Paterne Berrichon. À Charleville, sa tombe « étriquée, avare » confirme que sa vie « lui a été volée », comme l’écrit Yves Bonnefoy. Quant à Verlaine, il est enfoui dans un caveau sous la poussière près du périphérique sous d’affreuses fleurs en plastique au cimetière des Batignolles. Est-ce ainsi que la France honore ses plus grands poètes ?

Judiciaire enfin. En 1873, Paul Verlaine a été condamné à deux ans de prison pour avoir tiré deux coups de révolver sur Rimbaud. Ce dernier, dont la blessure était légère, s’est désisté de toute action en justice. Mais le parquet belge et la police française ont monté un dossier à charge, dont les archives prouvent désormais qu’il fut lié à son rôle dans la Commune et à son homosexualité. Il est resté 555 jours en prison, quand il aurait dû n’y passer que quelques semaines. Et on sait aussi que la préfecture de Police de Paris a favorisé l’aggravation de sa peine en raison, précisément, de ce « drôle de ménage ».

Pour toutes ces raisons politique, morale, judiciaire, et d’abord littéraire, il nous semble que l’entrée parallèle au Panthéon de Rimbaud et Verlaine, serait un geste d’une portée symbolique considérable. »


Le plus incroyable est évidemment largumentaire et ce qui le fonde. Et il convient de lire en regard les réactions exprimées de France-Culture au Figaro... pour se donner une idée du spectre.