Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 12 septembre 2020

POÉSIE ET NATION

        Le merveilleux est sans nulle équivoque le deuxième item de l’énumération : « Politique ensuite ». Il réduit Rimbaud, c’est-à-dire au moins la relation établie entre la révolution socialiste et l’utopie poétique, des lettres dites du voyant aux Illuminations, au champ de la « révolte » et aux avant-gardismes artistiques, sociaux et culturels, « surréaliste » et « mai 68 » pour ne retenir à la fin qu’un « slogan », isolé et extrait du contexte d’Une saison en enfer, celui de la gauche « des années 1970 » – loin des tendances gestionnaires parvenues dix ans plus tard au pouvoir qui en inversèrent pleinement l’utopisme. Il atteint le comble du ridicule dans le cas de Verlaine, digne de mémoire pour « Chanson d’automne » et l’annonce du débarquement. Avec une erreur de citation : « Bercent mon cœur d’une langueur monotone » au lieu de « Blessent mon cœur d’une langueur monotone »… En dépit de l’allusion qui suit quelques lignes plus loin à la Commune de Paris, rien sur le volume de vers socialistes, Les Vaincus, qui aura hanté Verlaine de 1867, à la fin du Second Empire, à mai 1871, et probablement plus tard encore au milieu des années 80 au moment de faire paraître certains des « Vers jeunes » dans Jadis et naguère. Tâche aveugle : celle d’une articulation constante du poétique et du politique qui date au moins de Poëmes saturniens, et se poursuit en registre réactionnaire et légitimiste à partir de Sagesse. Ces mises en oubli concordent avec une autre image – qui a peu à voir avec Verlaine mais ne lui échoit pas par hasard : la résistance, les alliés et la libération de la patrie soumise à l’occupant allemand. D’un côté, cela fait signe inconsciemment vers l’écrivain nationaliste, aux accents revanchards et antigermaniques, qu’a aussi été Verlaine – nationalisme qui se manifeste dans ses diverses variantes, celles de droite assurément, mais d’abord celles de gauche, inséparables en l’occurrence du soulèvement communaliste, comme à l’époque d’Amour elles le seront du populisme boulangiste, qui a attiré maints fédérés. De l’autre, subsiste cet implicite que la patrie et la révolution – la Commune de Paris en l’espèce – et Verlaine jamais ne quitta son poste de l’Hôtel de Ville – décidément ne sauraient aller de pair… Quant à « la vie française » (« Mauvais sang ») précisément, sur fond parodique adressé à Michelet et à son Histoire, vraiment, et pour ce qui me concerne ici, je n’ai rien à redire de Rimbaud… En toute hargne et avec la même hargne.