Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 17 septembre 2020

LE CRI DE LA GRÂCE

     Puissance des vers. La scène mystique de Sagesse, II, 1, bien entendu : « O mon Dieu, vous m’avez blessé d’amour, / Et la blessure est encore vibrante, / O mon Dieu, vous m’avez blessé d’amour. » Thérèse d’Avila – entre autres. Plus loin, la brûlure « tonne ». Ceci relu dans l’ancienne édition avec commentaire critique de Louis Morice pour la librairie Nizet. Le plaisir de feuilleter ces pages érudites et moisies par endroits, piquées de taches ocres et jaunes comme un visage qui aurait vieilli de manière précoce. Il faut dire qu’il est certaines œuvres décalées – à rebours presque de leur temps – celle-ci parue l’année 1968, qui sent la naphtaline et le séminariste, des séances de catéchisme, ânonnées sous la férule. Beauté des vers. Car malgré les odeurs d’église (Apollinaire parle de l’« odeur de vos églises », quelque part, dans Alcools), ces recoins dérobés, non moins obscurs et humides, la fascination de ce tercet, reconduite exactement à l’identique, dans l’énumération anaphorisée (« Voici mon sang que je n’ai pas versé », « Voici mon front… », etc.) par lequel l’incroyant fait sacrifice et don absolu de sa personne : « Voici mes pieds, frivoles voyageurs, / Pour accourir au cri de votre grâce, / Voici mes pieds, frivoles voyageurs. » Accourir au cri de votre grâce me laisse à chaque fois bouche bée