Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 3 mai 2023

LA LUTTE CONTINUE

    En 2020 pour le magazine Vogue, j’avais relevé le cas, la maison de luxe italienne Gucci n’a pas hésité à mettre en scène Ellie Goldstein, une jeune fille atteinte du syndrome de Down, son agence Zebedee Management y voyant un moyen d’accroître la représentation de ceux qui jusque-là étaient exclus des médias. Variante et détournement du lieu commun – faire entendre sa voix et rendre visible : l’empowerment dans sa traduction capitaliste. L’argument commercial et la proposition idéologique sont à la fois solidaires et réversibles. Mais l’université Concordia se comporte-t-elle si différemment, lorsqu’à l’occasion d’une campagne publicitaire en 2023 pour ses admissions au premier cycle, elle lance le slogan : « Deviens une briseuse de plafond de verre » ? La photographie qui l’accompagne est celle d’une jeune fille noire. Elle répond comme dans le cas d’Ellie Goldstein au code de l’intersectionnalité, combinant deux formes de domination ou d’oppression. L’établissement déclare ainsi accueillir « à bras ouverts les membres de groupes mal desservis désirant acquérir de nouvelles compétences et devenir des vecteurs de changements », et reconnaît même sur ce point : « La lutte continue, et elle est loin d’être terminée ». La rhétorique clientéliste transpose ici les guerres culturelles états-uniennes, en s’appuyant sur un cliché de la pensée foucaldienne autour des rapports savoir/pouvoir. Elle tend surtout à convertir la salle de classe en bataille des sexes, des genres et des races loin du lieu traditionnel d’apprentissage.