Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 6 juin 2021

NOTION-TOURNE-EN-ROND

       Toujours à creuser, autour de cette notion-tourne-en-rond qu’est le racisme systémique. Et je compte bien déconstruire mot à mot les penseurs de charme, Kendi et DiAngelo. À condition de la sortir du lieu commun, et de la mesurer comme possible contribution savante, cette notion-tourne-en-rond désigne au mieux une hypothèse à fonder. Il ne s’agit pas de l’écarter a priori. Mais plutôt de voir si elle peut être construite et d’en saisir par là le véritable rendement descriptif et heuristique. Sinon elle ne sert qu’à une chose, et elle le fait plutôt efficacement dans le discours social : elle représente un instrument polémique. D’une part, et c’est ce qui explique ma résistance, elle est supposée devoir rendre compte des phénomènes discriminatoires les moins visibles et les plus complexes, mais il n’est pas certain qu’on puisse les appréhender avec une catégorie aussi grossière et approximative (je radote, voir posts précédents, Deleuze et les gros concepts) ; d’autre part, et c’est souvent ce qui n’est ni perçu ni compris des gens qui se rendent à ce qu’on leur présente comme une évidence, mais démissionnent intellectuellement à mon avis : si on valide cette hypothèse, on active aussitôt ses prémisses, malgré qu’on en ait. En vertu du cercle logique, le racisme systémique suppose la racisation des individus, des groupes, des communautés qui composent la société ; à l’inverse, la « racisation » devient la preuve de ce racisme systémique. On se la mord ainsi indéfiniment. En acceptant cette hypothèse, et c’est le seuil logique qu’on franchit entre « racisme » et « racisme systémique », ce n’est pas du tout la même chose, on adhère inévitablement (c’est là qu’est le piège à cons) à ce présupposé que la « race » est épistémologiquement valide : qu’elle est non seulement un instrument de division pertinent entre les individus au sein de la société, mais un outil d’intelligibilité en raison même des divisions sociales qu’elle opère et rend visibles. On croit dénoncer un phénomène généralisé, en réalité, sans le voir ni le savoir, on généralise une notion qu’on rend alors coextensive au concept même de société. Après le tout-social : le tout-racial. This is what “systemic” means. Au moins, « racisme systémique » a un intérêt, et c’est le seul que je lui reconnaisse, c’est qu’il constitue un symptôme, il donne à voir l’épistémè racialiste – en émergence entre 1990 et 2020, démarqué dans les sciences sociales (voir la controverse en France par exemple autour du livre de Beaud et Noiriel), préparé par certaines théories postcoloniales. Ce passage à la fucking « question raciale », il convient de le décrire, d’en saisir conditions de possibilités et d’émergence, d’en établir la genèse, etc.