Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 5 septembre 2022

TEXTE À TROUS

     Panique à l’université est le produit de l’opinion, il participe exactement de ce « dialogue de sourds » (p. 34) que l’auteur craint malgré lui : et pour cause, le livre contribue et renforce amplement la polarisation du débat public par ses lacunes et ses silences. C’est un texte à trous. S’il dit peu de choses sur la loi 32 et la Commission Cloutier, il se contente de commenter rapidement l’affaire Lieutenant-Duval (« Peu importe ce que l’on pense de l’affaire », p. 54), sans analyser dans les cas répertoriés en Amérique du Nord – boycott, censure, désinvitations, deplatforming – le rôle des décideurs et des gestionnaires, plus précisément le lien entre ces pratiques et le clientélisme universitaire inséparable lui-même de la mutation néolibérale des établissements. Le texte abonde en citations de Bock-Côté, Christian Rioux, Ben Shapiro, Alain Finkielkraut, etc. Mais rien sur les sociologues Campbell et Manning ; The Coddling of the American Mind de Haidt et Lukianoff, qui sans ignorer l’héritage marcusien et sa critique de la distribution inégale de la parole, proposent précisément d’autres analyses que la voie idéologique ; Stéphanie Roza et la critique du foucaldisme racial ; Catherine Liu, proche de l’aile Bernie Sanders ; Canto-Sperber ; Olivier Beaud ; Isabelle Barbéris ; Laure Murat – des auteurs aux sensibilités très différentes, allant de l’extrême-gauche au centre, et qui n’ont rien de polémistes néo-con. Les politiques EDI sont mentionnées en bonne part, sans que leur source – celle du pouvoir fédéral – soit identifiée et discutée. Aucun rapport n’est par ailleurs établi entre les EDI et les théories du New Management sur la diversité et l’équité, les formes nouvelles de « capitalisme woke » (Anne de Guigné), dont l’idée est a priori rejetée comme sans fondement. Pas un mot enfin sur ce que cette polémique a cristallisé de l’antagonisme Canada-Québec, et du fait que la culture woke s’enracine historiquement dans l’anthropologie anglo-puritaine. Au reste, la définition du mot est minimale (p. 15), sans corrélation philologique avec The Great Awakening. Dupuis-Déri qualifie à juste titre ses adversaires de droite de bonimenteurs, sans voir qu’il joue à gauche le rôle du "penseur" de charme.