Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 17 mai 2019

REDIRE

Sans doute Chateaubriand traite-t-il de l’ancienne Amérique et Butor de l’Amérique contemporaine, mais le spectacle a déjà eu lieu justement, le site est occupé : comment dire autrement la rivière Niagara sans la redire ? Ce point qui met au jour l’historicité du discours en comporte un autre plus important. 1) Si la question est aussi importante aux yeux de Butor, c’est que les « inventions » de Chateaubriand, inséparables de l’Amérique, ont eu « sur la transformation de notre goût, sur notre goût actuel, une influence dont nous commençons seulement à apprécier toute l’ampleur. » (Répertoire II, p. 152). Et sous le terme de goût, liant valeur et jugement, mais d’usage peut-être étonnant à l’âge des signes et des structures, se groupent non seulement les manières singulières des écrivains qui ont suivi mais également les modes de sentir et de penser que ces manières ont entraînés avec elles. 2) Chateaubriand est la preuve que le continent est précédé par son mythe et un mythe de surcroît littéraire qui anticipe et accompagne le voyage concret. Ou si l’on préfère, la terre nouvelle existe dans le livre avant de s’actualiser dans le réel et, paradoxe ultime, y retourne s’il est vrai que l’auteur en aura longuement expérimenté la physique pour accorder et l’objet et sa représentation. D’une manière à l’autre, Butor cible explicitement cette illusion et les dangers qui lui sont inhérents, il me semble.