Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 17 mai 2019

L'ÉVIDENCE DU SPECTACLE

Ce que je finis par comprendre en me concentrant sur 6 810 000 litres d’eau par seconde. Le speaker explicite le présupposé même de l’étude américaine, ce qui deviendra son évidence : « Il va de soi que le spectacle a bien changé. » (p. 14) Et d’ajouter aussitôt que, loin de l’ignorer, Chateaubriand mentionne déjà dans Mémoires d’outre-tombe l’existence d’auberges et de manufactures sur les deux rives du fleuve, qui ont cédé la place aujourd’hui à des villes, des autoroutes et des motels. Mais précisément, l’évidence c’est ce qu’on devrait voir, ce qui va de soi dans le spectacle. En fait, ce site qui a subi les altérations du climat et du temps, comme l’empreinte de l’homme occidental et de ses aménagements, une litanie ne cesse de le rappeler au visiteur comme au lecteur le calendrier étalé sur une année (d’avril à mars) : « L’heure passe. / Le jour passe. / Le mois passe. / Le temps glisse sur le temps. » (p. 24) Ce memento lancé aux touristes va être l’occasion d’un pastiche du tempus fugit. Mais puisqu’il s’agit non seulement d’individus ou de couples, dont l’intimité nous est révélée au fil des conversations et plus largement d’une « foule », ce que l’étude met au travail, ce qu’elle rend simultanément visible et audible, n’est autre que l’histoire comme configuration collective.