Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 17 mai 2019

LA VÉRITÉ SAUVAGE

En même temps, l’humour trop voyant qui gêne la mélancolie la désigne ; il y a le fond sérieux, qui apparaît dans l’article « Chateaubriand et l’ancienne Amérique », lecture ethnographique, le prix de la « pensée sauvage » (essai paru la même année que Mobile…), lecture mélancolique – Tristes tropiques – le trop-tard : « Quand il arrive aux États-Unis, Chateaubriand découvre qu’il est né trop tard dans un monde trop vieux. La merveilleuse possibilité d’un Christophe Colomb américain venant découvrir et sauver l’Europe est définitivement abolie. » (Répertoire II, p. 184). L’utopie de « trouver un nouveau “lieu” culturel » (p. 185). Car la rencontre et le mélange de l’Indien et de l’Européen les auront l’un par l’autre, l’un comme l’autre, réciproquement dégradés par voie d’assimilation, de domination, d’annihilation. De cette utopie, qui déclasse ou reclasse au présent le rêve américain lui-même, les chutes du Niagara réservent le symbole, selon Butor, celui du désert ou wilderness que « la société a laissé intact » (p. 182). La conclusion : c’est parce que le spectacle a bien changé que l’étude s’attache en retour à faire voir et entendre au sein même de sa choralité ce que l’écrivain nomme « la vérité sauvage » (p. 185) –  les régions cachées, les tabous, etc. En bref, le travail inverse de l’anamnèse.