Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 17 mai 2019

ÉCONOMIE MENTALE

C’est peut-être précisément parce qu’il a changé que le spectacle fait parler et parle un à un les locuteurs à leur insu. Sans épargner l’auteur de l’étude. C’est également parce qu’il a changé qu’il fait entrer dans ce que Mobile appelle déjà une « économie mentale » (p. 137). Le mot est emprunté à un discours d’Edith Kermit Carow Roosevelt, épouse du 26eprésident des États-Unis Theodore Roosevelt (1901-1909). Mais Butor parle lui-même de mentalité américaine. Sous le terme de mentalité, hérité de l’historiographie des années trente, doit-on entendre associé au pluriel un écho indirect à une notion popularisée par l’École des Annales façon Lucien Febvre et Marc Bloch ? Ce qui importe, c’est que Butor envisage plutôt l’Américain et « la structure de son milieu » comme « la façon dont les gens vivent dans leur ambiance et dans leur paysage » (Entretiens, t. I, p. 184-185), incluant une ethnographie de la « vie quotidienne de l’homme contemporain » (p. 211), des symboles ou des objets en usage comme ces fameux catalogues qui acquièrent à ses yeux le statut plein de « documents » (p. 190). Pour autant, si elle conserve en plus de ses acceptions artistiques (plastiques ou musicales) cette autre valeur d’origine, à savoir celle de l’observation scientifique, bien entendu l’étude ne relève ni de l’anthropologie ni de la sociologie au sens strict. Car, dans chaque cas, c’est la choralité de l’étude qui donne accès aux réalités cognitives et pratiques de la culture.