Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 18 avril 2023

RUSES

   Le point le plus important est sans nul doute le choix de méthode pour rendre au phénomène son intelligibilité : c’est le travail à ras du sol, à partir des minorités et surtout des associations, groupes et groupuscules, réseaux, tous les rhizomes qui nourrissent les mobilisations sociales actuelles. Et là je suis assez sensible à « la palette élargie de tactiques, de ruses et de pressions » (p. 31), le champ des réappropriations, des remanipulations, des braconnages. On est bien dans la prise de parole. Voir mon texte sur la cancel culture (numéro à venir du BHP, juin 2023). Mais c’est aussi là que le bât blesse : à plusieurs reprises, non sans accents révolutionnaristes voire eschatologiques (cf. l’anaphore de « quelque chose se lève », p. 19), avec cependant sa valeur d’indéfini, en devenir, la lutte brouillonne, dispersée, fragmentaire, etc., l’historicité d’un je-ne-sais-quoi, ce qui n’a pas encore de nom, et qui déborde l’appellatif woke, comme assignation identitaire polémique. Parce que Cusset parle de la jeunesse du monde : mais de qui parle-t-il exactement ? Terme trompeur, biologique-générationnel, démographique, mais encore ? Il manque très sérieusement une sociologie des acteurs, qui viendrait brouiller considérablement son propre récit et ses binarismes ou raccourcis urticants.