Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 18 avril 2023

CUL SEC

    Cul sec Cusset : La haine de l’émancipation. Debout la jeunesse du monde. Tracts-Gallimard 2023. La belle fable qu’il nous raconte là! Exaspération palpable à découvrir un récit d’abord très binaire, les wokes et anti-wokes – exactement la logique contre laquelle je me bats depuis trois ans. Les ressorts non moins polémiques en réponse aux pamphlétaires et autres « ennemis du progrès » ou « croisés du moment » (p. 30) et la démarche également monolithique : la droite est tout ce qui est à ma droite, et cela va apparemment des anti-communautaristes sociaux-démocrates bien-pensants aux identitaires d'extrême-droite. La multiplication des angles morts. Les mêmes stratégies de déni et d’euphémisation que chez Dupuis-Déri : l’épouvantail. Ce qui revient à se débarrasser des faits. Tanné. Au point que Cusset écrit : « Woke est un écran de fumée, le tour de passe-passe de fabricants de paniques morales et de victoires électorales. Un mot de droite, qu’on peut laisser aux droites, et passer enfin à autre chose » (p. 22). Ce qui n’est possible qu’à la condition de couper dans la philologie et de réduire l’emploi de ce mot à ses usages polémiques. Stanley Cohen bien commode aussi. Très français cependant dans l’ancrage du débat et des références, les décennies Sarkozy-Macron, qui me rappelle avec effroi – accessoirement – pourquoi je suis parti (les déversements hystériques de foi nationaliste à la radio m’ont rendu alors antipathique le pays). La montée désespérante aux dernières élections de l’extrême-droite. Les manœuvres du pouvoir, des pouvoirs en place : la querelle de l’islamo-gauchisme ; le colloque sur la « Déconstruction » ; l’observatoire sur le décolonialisme ; Fondapol que j’avais déjà repéré il y a longtemps (et ses contributions notables : Nathalie Heinich…) Il serait long de détailler tous les commentaires, parce que le récit pose dans sa dernière partie des « limites à ce tableau » (p. 38) et se révèle riche en contre-propositions. Dense.