Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 18 avril 2023

COMMUN

   Le point politique – décliné sur un mode deleuzien – tourne autour du rapport entre « minorité » et « commun ». C’est la butée. Le récit n’échappe pas à une forme de contre-sacralisation subversive de la minorité – comme puissance. Il doit le mesurer au nouveau désir collectif – et à la nécessité du commun, bref au besoin du « commun » et de faire sortir les minorités « de la minorité » (p. 44). C’est ici que le récit est le moins lucide. L’étiolement des gauches dont il parle c’est d’abord l’émiettement des gauches qu’il reconnaît et acte – et la gauche woke en ajoute une couche en plus d’être extrêmement divisive. La déclinaison états-unienne des identités contre ce qu’il appelle le « vieil universel » n’est pas le garant du commun. Cusset défend l’intersectionnalité comme condition du multiple ; mais elle empile plutôt les oppressions, elle ne met pas fin au discontinu, elle l’aggrave. La critique des dualismes (féminin vs masculin, nature vs culture – mais est-ce nouveau ?) que Cusset voit bien me semble davantage déboucher sur du mythe – et de nouveaux essentialismes – que sur une nouvelle politique des individuations. Si la décolonialité ouvre sur une reconception critique de l’universalité, c’est peut-être le vieil universel qui est à reprendre contre les essentialismes du divers. La logique des minorités éloigne aussi par les luttes culturelles en soi légitimes d’un front commun, notamment en larguant les inégalités socioéconomiques qui débordent les divisions raciales ou les disparités de genre. Là-dessus, je donne raison aux gauches universalistes (Roza, Neiman, etc.). Car c’est quand même le ciment qui manque à ces luttes. Cusset reste fidèle au modèle butlérien de lallyship. Avec ça on est assuré de perdre ses batailles. Ce n’est pas d’alliance dont les gauches ont besoin mais d’une utopie commune.