Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 30 mars 2021

L'USAGE DE LA PAROLE

       Au gré des sottises publiques, notamment de la polémique grotesque et minable déclenchée par le professeur de droit Amir Attaran (Université d’Ottawa, décidément…), avec ses conséquences, la dénonciation d’un Québec bashing (https://www.lapresse.ca/actualites/2021-03-22/affaire-amir-attaran/pas-d-excuses-ni-de-sanctions-de-l-universite-d-ottawa.php), le vote d’une motion à l’Assemblée nationale, l’intervention de Justin Trudeau, etc., il y a des points de tension intéressants. D’une part, dans la violence des propos, le révélateur que l’antiracisme est l’instrument d’un racialisme à portée raciste, orientée contre les Québécois (réduits massivement aux Blancs ; la diversité culturelle de la province n’existant plus dans ce cas, puisqu’elle est fondamentalement victime à l’aune d’un cas grave contre une autochtone). Un des stratagèmes exactement dénoncés par Taguieff. D’autre part, après l’intervention de Verushka Lieutenant-Duval, indignée de l’asymétrie de traitement entre son cas et celui d’Attaran : l’amalgame qui contribue à brouiller le message auprès du grand public. Car la controverse Attaran ressortit à la liberté d’expression ; la controverse VLD regarde plutôt la liberté académique. Il me semblerait important de faire une critique et une poétique de cette double catégorie – prise dans l’orbite presque exclusif du droit. Dans l’usage de la parole, il y a la dimension de la responsabilité – la mise en jeu de l’éthique. Et il y a toujours le risque de la polémique, du pamphlet, de la diffamation, etc. Mais il n’y aurait pas de parole intellectuelle si elle devait être réservée à l’article ou au livre savants ou à la salle de classe. Bien sûr, cette parole intellectuelle n’appartient pas à l’universitaire : elle concerne aussi bien le journaliste, l’artiste, le militant, etc. Mais elle constitue pour lui une conversion essentielle – un universitaire n’est pas nécessairement un intellectuel. Le versant sombre est aussi à envisager : ce qui empêche cette parole – les effets de dette vis-à-vis de l’institution, les mécanismes de soumission et les petites servilités, le manque de courage, les rapports à la carrière (promotion, avancement), tout ce qui peut acheter le silence. À l’opposé, il n’y a pas de parole sans prise de risque minimale. Je ne crois pas que cette question doive son insistance au hasard. J’ai souligné depuis le début que la polémique venue d’Ottawa en octobre dernier était inséparable de la question des langues et du langage autour d’un mot tabou. Elle se mesure également aux effets de contrôle social sur le discours qu’opère le « politiquement correct ». Enfin, pour revenir à ce faux effet de miroir entre AA et VLD, il faut évidemment considérer l’articulation entre liberté académique et liberté d’expression. Il y a plusieurs niveaux (si on devait terminer par une typologie) : le salle de classe, l’usage de la parole en contexte universitaire (dont le périmètre est à déterminer), les espaces publics : les manifestations savantes (colloques, revues), les médias sociaux et les médias classiques, l’adresse publique-politique, etc.