Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 30 mars 2021

FOUCALDISME

     L’obsession de Lindsay & Pluckrose tourne autour du corpus foucaldien. Sans doute bien des dérives de la SJS résident dans certaines ambiguïtés : la radicalité de l’approche perspectiviste (standpoint theory), d’inspiration nietzschéenne, les critiques de la rationalité des Lumières qui se monnaient aujourd’hui en une sorte d’irrationalisme et d’obscurantisme, mais le plus frappant est encore le déracinement des propositions foucaldiennes de leur cadre – exportées sous la forme d’une vulgate au lieu que ces propositions se réglaient – valides ou non – sur le travail factuel et la compulsion d’archives – le regard de l’historien. C’est le nœud dogmatique articulant l’omniprésence du pouvoir et des discours qui le manifestent ou le créent. Autre exemple : les techniques d’extrapolations, et on ne peut pas ne pas songer à la conclusion du chapitre sur le panoptisme dans Surveiller et punir comme mode d’analyse de la société contemporaine : « Que la prison cellulaire, avec ses chronologies scandées, son travail obligatoire, ses instances de surveillance et de notation, avec ses maîtres en normalité, qui relaient et multiplient les fonctions du juge, soit devenue l’instrument moderne de la pénalité, quoi d’étonnant ? Quoi d’étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux, qui tous ressemblent aux prisons ? » (Paris, Gallimard, 1975, p. 229). Double question rhétorique qui contient sa réponse : l’assertion n’est pas démontrée ; le modèle sinon répressif du moins coercitif, longuement détaillé, de lunivers carcéral, ne saurait comme tel être étendu. Il y a moins homologie qu’analogie et on en oublierait bien entendu que l’hôpital a pour fonction de soigner et guérir les corps, l’école d’émanciper les esprits. Même le monde disciplinaire des casernes – en sa clôture même – n’est pas uniquement tourné vers la logique du contrôle et des pouvoirs. Etc. Opérer le saut logique que suggère sans l’accomplir Foucault, c’est pour moi très exactement l’illustration de ce qui pourrait se nommer le foucaldisme – dont les effets pernicieux sont sensibles dans la SJS.