Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 13 août 2017

MATRICE


Bonheur de la relecture. Qu’est-ce que la littérature ?  avec son liminaire un brin mystificateur – « examiner l’art d’écrire » et ses trois questions (qu’est-ce qu’écrire ? pourquoi écrit-on ? pour qui ?) – « Au fait, il semble que personne ne le soit jamais demandé. » (p. 58). De la littérature de Germaine de Staël qui s’interrogeait sur la situation de la littérature dans une nation révolutionnée n’est pas loin, comme ouvert sur la table, par exemple. Mais ce qui, par-delà les objets et les thèmes discutés – le statut du signe, l’ontologie hégélienne du nom, les rapports prose-poésie, le procès du surréalisme, les techniques romanesques, la dialectique, la synthèse et la liberté, la valeur et la cité des fins, etc. – occupe l’esprit du lecteur plus d’un demi-siècle après tient peut-être moins à la puissance analytique (et à ses limites) qu’au caractère de matrice ou noyau discursif du récit donné notamment des œuvres du XVIIe siècle à 1947. D’un côté, l’attention méthodologique aux mythes de l’écrivain et de sa pratique, la voie qu’empruntera Barthes au gré du glissement littérature-écriture ; de l’autre, l’accent placé sur le spirituel, le sacré et le « sacerdoce » (p. 175) qu’exerce l’homme de lettres, et c’est à la même date que Bénichou dépose sa thèse sur Morales du grand siècle, ouvrant les principaux chantiers à venir de son histoire ; articulée au concept de liberté certes, « la découverte » que la littérature fait de « son autonomie » au cours des XVIIIe et XIXe siècles, fait incontesté mais exploré sociologiquement selon d’autres postulats après Bourdieu ; ou encore « l’idée de littérature » (p. 190), souvent opposée à quelque essence du littéraire ou quête de la littérarité, et pour finir le double regard porté sur les œuvres et les styles de vie des auteurs, etc. Il y a sûrement bien d’autres lignes.