Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 4 juin 2017

SANS IDENTITÉ PRÉCISE


Cette tirade en forme de réponse, et de déplacement, de l’un des personnages de Victoires (Leméac / Actes Sud, 2017) de Wajdi Mouawad : « Aujourd’hui, en 1987, au Québec, on m’écrase avec le mot “identité”. On m’écrase avec ce mot parce qu’on veut que je décrète qui je suis. […] Si j’ai voulu entrer dans une école de théâtre, c’est peut-être, justement, parce que je suis sans identité précise. » (p. 97). Contre les obsessions et les réflexes de l’historiographie littéraire nationale. Et l’auteur, dix ans plus tôt signataire par ailleurs du manifeste « Pour une “littérature-monde” en français* » y est revenu à plusieurs reprises. Bien sûr qu’il a plus d’un pied dans cette province, ne serait-ce que par la mise en écoute dramaturgique de la langue ; mais quelques pages plus loin, dans la bouche d’un autre personnage : « Cavité, chambre des miroirs, où se trouve peut-être cela que vous appelez, vous, l’identité. Elle atteinte, tout s’éteint. Le reste est chemin » (p. 99). Et c’est la clôture de la pièce. L’identité renvoyée au « vous » et fatalement irréductible au cliché du « nous autres ». De la cavité à la caverne de Platon, et Mouawad retraverse fréquemment cette allégorie antique, si identité il y a, la seule qui vaille se révèle inséparable de « l’élan de la vie » (p. 98) qui constitue le fil tragique. Elle désigne ce reste qui est chemin, parce qu’elle est conçue en devenir.

(http://www.lemonde.fr/livres/article/2007/03/15/des-ecrivains-plaident-pour-un-roman-en-francais-ouvert-sur-le-monde_883572_3260.html)