Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 29 août 2016

CEUX QUI DÉRANGENT NOS MANIES


 En leur justesse ironique, au détour d'une page d’Oublieuse mémoire (1949), les vers de rappel de Jules Supervielle, écrivain discret, dans son « Hommage au poète Julio Herrera Y Reissig (pour l’anniversaire de sa mort) », loin des esthètes désenchantés de l'ordre qui occupent nos parlements et nos journaux. Le sens de l'histoire, lui, ne s'apprend pas, et ne se monnaie pas davantage :

Comme les États sont lents à reconnaître leurs poètes !
Ils sont trop occupés ailleurs, ils ont d’autres martels en tête.
Au reste, est-ce qu’on ajoute à la poésie de la nature ;
Et les livres de vers, que sont-ils, sinon la plus grande imposture ?
Les poètes ne savent bien que faire aller à la dérive,
Vivants, ce sont des gêneurs qui dérangent nos manies,
Parlez-moi d’un poète mort, il est utile à la patrie !*


* Jules Supervielle, Œuvres poétiques complètes, édition de M. Collot, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1996, p. 525.