Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 19 août 2016

RUE PALINDROME


 Dunver. C’est à coup sûr une énigme, le nom de cette rue minuscule, égarée dans les quartiers Ouest, similaire à tant d’autres. Au service livraison du supermarché, il vous paie déjà de retour par d’incorrigibles séances chez l’orthophoniste. « Non. Excusez. Pas DENver. DUNver. Vous saisissez ? » À vos oreilles mal bâties la nuance est forcément inaudible. Celles d’un enfant, agile à permuter les syllabes, sauraient mieux en sonder l’histoire. Interrogé sur ce point, l’archiviste municipal est catégorique. En 1942, la Marine royale du Canada se dote d’insubmersibles frégates. Les résidents consultés par leur maire et The Guardian, suggèrent l’appellation farfelue de « Dunver » pour l’un des navires, la seule à vrai dire sur laquelle ils parviennent à s’accorder. « Déshonorant » rétorque Le Devoir qui, souvent libre de penser, n’y voit qu’une ridicule défiguration de l'arrondissement de Verdun. Cette bataille lilliputienne des langues, dans laquelle chaque communauté lit sa voisine en miroir, devait s’achever sur les bords constants du fleuve en queue de mouette. Entre les lys et les roses, ou autres piquants chardons, l’armée avait, hélas !, tranché en imprimant prématurément sur papiers et blasons le nom de son orgueilleuse frégate.