Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 4 septembre 2021

UNE SEULE CLÉ

     C’est la conclusion qui m’arrête au terme de la très belle démonstration de Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, Race et sciences sociales. Essai sur les usages publics d’une catégorie (Marseille, Agone, 2021) : dans le champ scientifique, le constat est plus modéré sur le versant français qu’il ne l’est côté américain, d’après Campbell et Manning, qui, se défendant au nom du principe wébérien de neutralité axiologique, montrent que les départements de sociologie donnent lieu par militantisme à des séances d’endoctrinement en plus d’avoir hypothéqué les exigences de l’observation empirique la plus minimale. Au-delà de la genèse historique du terme de « race », de ses résurgences en phase avec les politiques d’immigration et le discours colonial en France, l’enquête passionnante et lumineuse sur le milieu footballistique et l’affaire des quotas. Surtout que la résurgence des approches racialistes tient beaucoup, y compris depuis la thèse de Colette Guillaumin, aux modèles nord-américains et surtout états-uniens. Il y a là une constante. Une convergence des analyses aussi quant au fait que le discours sur les privilèges blancs, la racisation et le racisme systémique, contribuent à occulter les privilèges socio-économiques. C’est cette stratégie qu’on perçoit clairement à l’œuvre de la part des élites anglophones au Canada. Le primat de la race entretient enfin cette illusion « qu’une seule clé » puisse « ouvrir toutes les serrures de la connaissance » (p. 377). Voir mes propos sur le retour aux gros concepts depuis le début de ces controverses académiques et politiques. Enfin, que dans la mise en œuvre du paradigme culturaliste et non seulement économiste, et la dynamique raciale qui voudrait supplanter l’approche sociale, on a là un mécanisme de division des « forces progressistes » qui ouvre « un véritable boulevard aux conservateurs » (p. 373). Cela a déjà commencé. On est vraiment mal pris.